En Guinée, le Conseil National de la Transition (CNT) a présenté l’avant Projet de Constitution. Après tant de discours faisant croire que la Guinée aurait désormais une constitution propres à son histoire, à ses réalités socioculturelles ou du moins qui pourrait stopper l’instabilité politique dans le pays, l’étonnement fut grand de constater que le constituant guinéen n’a pas échappé au mimétisme constitutionnel.
Évidemment, l’avant-projet de constitution soumis à la lecture des Guinéens est à la mamelle législative de la France, c’est le même chemin emprunté par la République Démocratique du Congo qui est toujours plongé dans l’inconstitutionnalité. Qu’il soit clair pour tous les Guinéens que la Guinée emprunte par ce projet le régime politique français dont la RDC s’est servi. A quoi faire croire que ce serait une constitution toute nouvelle dans le monde législatif? Sur quel fondement peut-on se pavaner à expliquer que ce serait une constitution qui va résister au temps, si la RDC, après l’avoir adoptée depuis 2006, est toujours confrontée aux sirènes révisionnistes? Sans parler du cycle 2013-2016 concernant la révision constitutionnelle au Congo, le président Félix Tsihisekedi qui est à son deuxième et dernier mandat a annoncé récemment la mise en place d’une commission de révision de la constitution congolaise qui lui permettrait sans doute de briguer un mandat de plus.
Faut-il dire, ce débat est inutile. Aucune constitution n’est immuable, mais les principes fondamentaux qu’elles protègent et déclarés intangibles devraient l’être. Et cette valeur dépend de la morale des grands hommes qu’il faut pour notre pays.
Revenant au contenu de l’avant-Projet de constitution, il se trouve que nos rédacteurs dans leur inspiration ont omis des aspects importants. Sans en faire une étude doctrinale, il faut les présenter de manière facile pour nos citoyens.
1- La légalité de l’impôt,
L’avant-Projet de constitution ne garantit pas la légalité de l’impôt consistant à requérir le consentement des citoyens au paiement de l’impôt. Les règles, le taux et les modalités de l’impôt sont déterminés par la loi. C’est une obligation constitutionnelle dans les Etats de droit. Le respect de ce principe pourrait éviter au peuple de subir un coût exorbitant comme l’a fait le régime précédent qui a fixé arbitrairement l’impôt sur les plaques d’immatriculation, permis de conduire sans passer par l’assemblée nationale.
2- Intérim du président de la république
Nul n’occulte que c’est avant projet soumis aux critiques et suggestions des guinéens. C’est pourquoi les citoyens doivent avoir maintenant tous les éléments du document pour se faire une idée avant qu’il ne soit soumis à leur approbation. Qui doit assurer l’intérim en cas de décès, de démission ou d’empêchement du président de la République? Le constituant guinéen est silencieux sur cette question dans l’avant-projet.
Dans la deuxième partie, au niveau des moyens d’action de l’exécutif sur l’assemblée nationale, la démission du président est soulevée, et l’avant-projet indique que « la succession est ouverte conformément à l’article 71 de la présente constitution ». Sauf qu’il ne contient pas d’articles. Que dit l’article 71 de la constitution dont s’inspire le constituant guinéen? C’est à cette question que le CNT devra répondre.
Néanmoins si nous empruntons toujours le chemin français, l’intérim dans ce type de régime hybride est assuré par le président du Sénat.
3-La mise en accusation devant la Cour spéciale de justice de la République,
En cas de haute transition, l’avant-projet prévoit la mise en accusation du président de la République à l’initiative de 1/10e de députés de groupes parlementaires différents. Cependant, il ne prévoit pas la mise en cause des membres du gouvernement. En dehors des membres du gouvernement, l’avant-projet devait étendre la compétence de cette cour à d’autres hauts cadres de l’Etat, sans ignorer qu’il y aurait une loi organique.
4- Révision de la constitution
L’avant pose des l’imiterait matérielles mais celles conjoncturelles. Il est de principe en matière de constitution, que pendant certaines périodes, la constitution ne peut faire l’objet de révision. Il s’agit de l’état de guerre, l’état de siège, pendant l’intérim du président de la république. Il est normal de s’inspirer de constitution d’un État, mais il faut tenir compte des spécificités chez soi. ( sans parler de démission des membres du gouvernement ou de de dissolution de l’assemblée après le projet).
En dépit de ces omissions, le constituant a manqué d’audace de prévoir dans les dispositions transitoires de l’avant-projet , dans sa troisième partie Titre VI, les dispositions fondamentales garanties par la charte de la transition. Notamment l’interdiction faite aux membres de la transition d’être candidats aux futurs élections. Ce qui pourrait balayer tout doute sur une éventuelle candidature des dirigeants actuels.
Kalil Camara, Juriste Journaliste