Voici pour vous une espèce emblématique, les rapaces ! L’une des rares espèces à survivre de tous les bouleversements politiques, sociaux , économiques etc… Ils [ les rapaces ] survivent à tous les régimes et savent se muer, sans jamais être moins cupides et avides. Des gens dont le froc a tellement baissé, et tellement longtemps été baissé qu’ils n’ont plus aucune souvenance du sens de la dignité ou de la loyauté à quelque valeur qui puisse exister. Ils ne vivent que par et pour le pouvoir et ses avantages. Il faut s’en méfier. Car le réveil du peuple peut être brutal !
Je vous ai parlé dans bien de nos causeries, de la profondeur du mal, de l’ingéniosité de la cabale et de la nébuleuse tentaculaire. C’est de cela qu’il est question, c’est un système durablement établi, et qui a ses entrées dans toutes les sphères de la vie de notre société politique, civile et militaire; dans chaque profession, avocat, magistrat, journaliste, écrivain, enseignant, jusqu’au cordonnier du quartier… Les gens n’ont aucune idée de comment le pouvoir de Sékou Touré s’est « dissout » avec le PUP, ni comment celui-ci s’est « dissout » dans le pouvoir du RPG. Mémoire courte ou histoire sélective ? Un système ne tombe pas, il se métamorphose ai-je dit…
Je ne crois pas – à l’endroit de ceux qui veulent nommer le problème – que Cellou Dalein Diallo en soit – à lui tout seul – le problème fondamental de ce pays. Ni lui, ni Alpha Condé, ni Kassory Fofana, encore moins tous ces autres noms qu’on cite ça et là, ou encore tous les anonymes. Il y’a forcément des responsables, j’en suis convaincu. Mais ce n’est pas juste une question de personnes, individuellement prises. Il s’agit – par-dessus tout, d’une responsabilité collective. Le problème étant le refus pour notre société – systématiquement – de faire un diagnostic sérieux et complet, avant d’espérer une ordonnance et une médication juste. Et il n’est pas prêt ( je parle toujours du problème) de disparaître, tant nous insistons à reproduire les mêmes causes, tant les effets seront pareils.
ET LE CNRD DOIT PRENDRE GARDE !
Parce que raisonnablement, le doute est toujours permis, non sur sa volonté à faire de cette transition un véritable nouveau départ, mais à rendre celui-ci – par des actions concrètes et la sauvegarde de la quiétude sociale – un véritable tremplin pour un avenir en confiance. Cela veut dire aussi de prendre suffisamment la mesure de la situation et de donner l’exemple sans cesse de sa bonne foi, en commençant – très clairement – à rendre visible le processus d’achèvement de la transition, qui n’est rien d’ordre que celui de l’organisation d’élections transparentes et crédibles.
Nous sommes de ceux qui estiment que 36 mois de transition ne sont pas hors de portée, et que vu l’état de notre dérèglement sociopolitique, il serait imprudent de précipiter les élections, sans d’abord essayer de comprendre les causes qui nous ont amené à ce constat et sans en situer les responsabilités individuelles et collectives. Le suicide politique en cette matière, pour reprendre l’incorrigible Choguel Maïga, c’est en résumant la démocratie aux questions électorales, et feindre de répondre aux questions de fond. Quatre coups d’état et un nombre incalculable de tentatives, pour un pays comme le nôtre, où tout est à refaire, c’en est de trop ! Un pays riche, appauvrit par ses enfants et jeté dans l’enfer des pays les pauvres de la planète. C’est une honte pour nous tous ! Nous qui sommes les premiers des anciennes colonies françaises à avoir notre indépendance, mais au rendez-vous du développement et de l’émancipation, par l’éducation et le bien être social, nous sommes à la queue du peloton. Quoi de plus normal que d’essayer de comprendre comment et pourquoi ?
Cependant, en dépit de toutes nos lignes de défense pour cause et effets de cette transition, les autorités de Conakry doivent se bouger. Elles doivent « rassurer davantage ». Elles feraient montre de plus de grandeur en revenant sur certaines questions, non pas par faiblesse, mais parce qu’elles sont sincères dans leurs luttes. C’est une espérance à laquelle j’ai envie de croire, croire encore qu’il soit possible – à l’endroit des ministres et hauts commis de l’Etat, de déclarer leurs biens. Croire pour le CNRD, la possibilité de déclarer la liste exhaustive de ses membres. Voyez-vous, ce sont des arguments qui reviennent, et il est très difficile de botter en touche, tant la transparence de cette transition devrait nécessairement être une lame à double tranchants. Cet appel intervient au moment où, en dépit de toutes nos contributions sur les bonnes pratiques que le CNRD devrait absolument engager pour apaiser la situation politique, nous avons encore le sentiment – soyons honnêtes – qu’il subsiste une aile qui ne veut pas entendre raison.
Pour revenir sur le processus électoral – après vous avoir dit très souvent que le nœud gordien était la CRIEF, Cour de Répression des infractions Économiques, et les questions de redevabilité – il va falloir pour tous les acteurs majeurs de cette transition de se bouger, d’autant plus que le CNRD à lui seul ne peut rien entamer au sujet du processus électoral sans qu’on ne lui traite davantage « d’unilatéralisme ». Il va s’en dire qu’il urge pour tous les acteurs concernés de parvenir à des accords de principe.
En attendant de meilleurs sentiments, je sens l’heure venue pour moi de repartir d’où je viens, dans la parole du silence. Je doute que ces lignes parsemées d’espoir et de doute ou bien de doute et d’espoir – entre mes instants de pensées solitaires et de prières – soient pour quelques temps – je l’espère – les dernières. C’est un point final que vous trouverez ici, avant mon hibernation que je trouve nécessaire en ces temps d’incertitudes, et où le débat public guinéen est devenu totalement ou presque nauséabond. Or, comme pour paraphraser le rappel d’un compatriote ailleurs, » les grandes crises devraient révéler les grandes intelligences, révéler les valeurs cardinales d’un pays. Malheureusement chez nous, ce sont les médiocres qui font la plus grande part de prophétie « .
Ali CAMARA