Celui qui contrôle l’émotion des gens devient le maître de leurs âmes, disait un certain Nicolas Machiavel. C’est par cette assertion que je me fais le devoir d’aborder la question pour les gens qui ont sollicité mon avis par rapport à cette interview que le Président du CNRD, Chef de l’Etat, Colonel Mamadi Doumbouya, a bien voulu accorder à la presse ou disons à quelques organes de presse.
Du point de vue stratégie politique, nous nous poserons cette question qui, en répondant, nous permettra d’appréhender cette sortie sous un autre angle.
QUELLES SONT LES RÉELLES MOTIVATIONS DE CETTE INTERVIEW DU PRÉSIDENT COLONEL MAMADI DOUMBOUYA ?
D’entrée de jeu, comprenez tout simplement que cette interview était essentiellement axée sur trois (03) choses :
Tout d’abord, répondre à cette question sur le calendrier de la transition qui fait couler d’encre et salives un peu partout aujourd’hui. Puis, rassurer l’opinion nationale et internationale sur l’état de santé de l’ex Président de la République, professeur Alpha Condé. Ensuite, rectifier le tir par rapport à certaines bourdes commises à l’égard de la CEDEAO. Tout le reste n’était que du chiasme.
C’était une nécessité absolue pour le Président ou son Premier ministre d’apporter des précisions et de rassurer le guinéen ordinaire par rapport à toutes ces interrogations. Après 2 mois sans véritable communication sur la question du calendrier de la transition, l’opinion commençait à perdre patience. Il fallait éclairer les lanternes des uns des autres pour dissiper le doute dans les esprits. C’est pourquoi à la question sur la durée de la transition, il répond : « Qui suis-je pour imposer une date aux Guinéens? » Avant de faire savoir qu’il appartiendra au CNT de définir le calendrier de la transition.
Ensuite, avec toutes ces spéculations dans les médias et sur les réseaux sociaux sur la dégradation de la santé du Prof Alpha Condé, il était temps pour rassurer l’opinion nationale et internationale que le Président se porte très bien, qu’il bénéficie tout le traitement dû à son rang. En poursuivant, il a également laissé entendre en ces termes que le Président fera face à la justice guinéenne : » C’est à la justice de faire son travail. Je ne suis pas la justice. La justice fera son travail. Nous sommes respectueux et nous faisons en sorte que le PRAC soit traité avec dignité. »
Quant à la problématique sur le cas de la CEDEAO, c’est un secret de polichinelle car nous savons tous qu’il y a eu des propos peu diplomatiques à l’écrit comme à l’oral de la part de certains membres du gouvernement vis-à-vis de l’organisation sous régionale. Donc il faut rassurer nos partenaires que nous sommes disposés à mener cette transition dans les règles de l’art et que nous restons ouverts à toutes les négociations tout faisant savoir que l’intégration régionale nous tient à cœur d’où l’accent sur l’ouverture des frontières…
Au regard de ce brillant exposé réussi par le Président aux yeux de l’opinion, il y a un certain nombre de questions qui taraudent les esprits du point de vue diachronique qui sont d’ordre factuel.
Quand le Président nous dit que le calendrier de la transition sera proposé par le CNT, la première question à se poser est de savoir à quand la mise en place de ce CNT ? Mais l’inquiétude d’analyste politique pour les nuls que je suis, ne se situe pas à ce niveau, elle se situe au niveau même des membres de cet organe. Quand on sait que toutes les couches sociales seront présentes au sein de cet organe et que les 70% seront des gens qui ne gagnaient pas 4 millions de francs par mois. Dites-moi, quelqu’un qui peinait à avoir 4 millions par mois, s’il se voit dans toutes les conditions avec tous les avantages liés à son statut de membre du CNT, pensez-vous que ce dernier voudra une transition de courte durée ? Méditez vous-même !
Ensuite, je reste perplexe quand j’entends le Président faire le rapport entre le 3ème mandat et le coup d’Etat survenu le 05 septembre 2021. J’ai des interrogations à propos mais l’idéal voudrait d’abord que je suive le courant normal des choses en attendant que ces questions ne soient éclairées.
Je termine la partie par cette assertion du Président de la transition, chef de l’Etat, Colonel Mamadi Doumbouya qui dit : «la division profite à celui qui divise et non aux divisés…» Ce qui prouve à suffisance sa volonté de mettre fin à des débats de personnes et des raisonnements calqués sur l’ethnie sur la scène politique guinéenne. Cependant, il faut être vigilant et attirer l’attention du Président sur le fait que si nous ne faisons pas attention, le processus de la mise en place du CNT risque de diviser toutes les couches sociales, car à peine démarrer les choses nous constatons déjà la fissure partout, entre les partis politiques, les jeunes, les Coordinations régionales, les organisations de presse…
« La bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté si elle n’est pas éclairé, disait Albert Camus. »
Mohamed Condé
