A travers des médias, nous apprenons la libération de 16 détenus de la maison centrale de Conakry ayant passé plusieurs années en détention provisoire. Dans son interview, le parquet général près la Cour d’appel du ressort qui était avec le ministre de la justice et des droits de l’homme, a expliqué aux médias qu’il s’agit des détenus qui n’ont jamais été amenés pour jugement. Par ailleurs, monsieur Fallilou Doumbouya n’a pas indiqué ce que prévoit la loi dans de telles circonstances notamment en ce qui concerne les sanctions disciplinaires contre les magistrats en cause de ces détentions prolongées ( I) et les indemnités dues à l’Etat envers les détenus victimes de telle détention.
I Sanctions disciplinaires contre les magistrats défaillants
Effectivement, l’article 235 et suivants du code de procédure pénale prévoit les conditions de placement, la durée et la mise en liberté du détenu. Nous n’allons pas détailler tous ces aspects, ce qui nous concerne dans ce texte c’est la sanction prévue contre un magistrat qui ne remettrait pas en liberté un détenu après la durée légale de détention. D’après l’article 238 alinéa 2, 3 et 4 : « Toute carence du juge d’instruction dans l’accomplissement des diligences relatives au renouvellement ou à la prolongation du titre de détention, entraine des mesures disciplinaires à son encontre.
A l’expiration du délai de validité du mandat de détention provisoire, le juge d’instruction doit, sous peine de poursuites disciplinaires, ordonner immédiatement la mise en liberté de l’inculpé, à moins qu’il ne soit détenu pour autre cause.
A défaut et à titre exceptionnel, le président du tribunal peut ordonner la mise en liberté de l’inculpé».
En vertu de cette disposition et des dispositions de la loi portant statut des magistrats, les magistrats en cause de la détention prolongée des détenus de la maison centrale de Conakry doivent être sanctionnés.
II- Sur l’indemnisation des détenus victimes de détention prolongée
Il ne suffit pas de remettre en liberté les détenus, lorsque la détention a été prolongée par le manquement des magistrats, cela leur cause des préjudices. L’article 162 de la loi organique sur la Cour Suprême : « sans préjudice des voies de recours, une indemnité peut être accordée à la personne ayant fait l’objet d’une détention provisoire au cours d’une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, de relaxe ou d’acquittement définitive, lorsque cette détention lui a causé un préjudice manifestement anormal et d’une particulière gravité ».
La situation des 16 détenus de la maison centrale de Conakry correspond à un non-lieu. Maintenir une personne pendant des années entraîne d’énorme préjudice avec des conséquences suffisamment graves.
Au regard de tout ce qui précède, comme l’a récemment rappelé le collectif chargé de la défense de Foniké Mènguè et de Bilo Bah, le procureur général est protecteur des libertés individuelles et collectives. Monsieur Fallilou Doumbouy et monsieur Karaiba Kaba, garde des sceaux, ne doivent pas se limiter à la libération de ces détenus victimes de détention prolongée, ils doivent les accompagner pour être indemnisés et engager la procédure de sanction disciplinaire contre les magistrats qui ont manqué à leur devoir.
Kalil Camara