La récente nomination de la délégation spéciale à la tête de la commune urbaine de Labé a suscité de vives réactions au sein de la population locale. Si certains y voyaient l’espoir d’un nouveau souffle pour dynamiser le développement de la région, d’autres dénoncent déjà une orientation résolument politique. L’implication active des membres de cette délégation dans les mouvements de soutien au président de la transition, le Général Mamadi Doumbouya, fait craindre que cet organe ne soit devenu un instrument de propagande, au détriment de sa mission première : le progrès local.
Depuis sa mise en place, la délégation semble accorder une place prépondérante à la communication politique, plutôt qu’à des actions concrètes sur le terrain. Réunions, slogans et discours laudateurs à l’endroit des autorités actuelles rythment son agenda. Leur participation visible aux initiatives de soutien à la candidature du Général Doumbouya dépasse largement leur engagement en faveur du développement de la commune. Tout porte à croire que l’objectif réel est de redorer l’image du pouvoir dans une région historiquement peu réceptive, au lieu de répondre aux besoins pressants des citoyens.
Les priorités, pourtant, ne manquent pas à Labé : routes fortement dégradées, accès difficile à l’eau potable, infrastructures scolaires et sanitaires insuffisantes, insalubrité grandissante… Mais face à ces défis, peu d’initiatives concrètes émergent. À la place, on assiste à une multiplication de cérémonies symboliques, de promesses vagues et d’actions ponctuelles sans impact durable.
Fait révélateur : la création par cette délégation d’une structure nommée « Association intercommunale de Labé ». Officiellement destinée à rassembler les présidents des délégations spéciales des communes rurales, cette association semble avant tout viser l’organisation de campagnes de propagande en faveur du Général Doumbouya, plutôt que l’élaboration d’idées ou de projets pour le développement de leurs localités respectives.
Cette situation alimente la frustration croissante d’une population qui perçoit désormais la délégation comme un organe déconnecté des réalités du terrain. Pour beaucoup, elle ne joue pas son rôle de gouvernance locale, mais agit comme un relais politique chargé de séduire et de contrôler, au détriment de la mission fondamentale de développement.
Face à ce constat, de nombreuses voix s’élèvent pour réclamer plus de transparence, des résultats tangibles, et surtout une véritable écoute des préoccupations citoyennes. Car un développement durable ne peut émerger sans une gouvernance réellement engagée pour l’intérêt général, loin des calculs politiciens.
Enfin, il convient de souligner le rôle crucial des médias dans une société démocratique : informer, sensibiliser, dénoncer. Pourtant, face à une délégation qui semble ignorer les dispositions du Code des collectivités, la presse se voit barrer l’accès à l’information — à moins de se joindre à leur propagande. Aucune considération n’est accordée aux médias privés, aucune communication officielle ne permet de situer les citoyens sur leurs activités. Tout est flou, verrouillé, et chacun semble plus préoccupé par ses intérêts personnels que par le bien-être du peuple.
Boubacar Garki Diallo, journaliste.