Selon le juriste journaliste, seul le président de la république peut réquisitionner l’armée. Et pour réquisitionner l’armée, dit Kalil Camara, le président doit décréter l’état d’urgence ou l’état de siège, après avis du président de l’assemblée nationale et du président de la cour constitutionnelle.
« La loi 09 organise le maintien de l’ordre public en république de Guinée. Elle détermine quelles sont les forces d’intervention pour le maintien de l’ordre public, dans quelles circonstances chaque force doit intervenir et quelles sont les autorités habilitées à faire des demandes de concours ou des réquisitions de ces forces.
D’abord quelles sont les forces d’intervention ?
Dans le cadre du maintien de l’ordre public, l’article 27 de la loi 09 classifie les forces de sécurité et de défense en trois (3) ordres qui sont: Force de première intervention constituée de la police nationale, force de deuxième intervention constituée de la gendarmerie et force de troisième intervention constituée des armées.
De là il est à comprendre que le maintien de l’ordre public est une mission relevant de la police. Lorsqu’il y’a une situation qui trouble l’ordre public la police intervient soit sur demande de concours du maire, soit du préfet, du sous-préfet ou du gouverneur.
En cas de crise, la gendarmerie intervient au deuxième degré. C’est-à-dire en appui à la police. Il faut d’ailleurs préciser que la gendarmerie n’intervient que sur réquisition, ce qui est différent d’une demande de concours que peut faire un maire ou un préfet à la police. Parce que la loi 09 en ses articles 10 et 15 fait des définitions différentes d’une demande de concours et d’une réquisition.
La première est l’acte par lequel l’autorité civile demande au commandement des forces de police de prêter leur concours afin de maintenir l’ordre public ou de le rétablir. La deuxième est l’acte par lequel l’autorité civile demande au commandement des forces de Gendarmerie de prêter leur concours afin de maintenir ou rétablir l’ordre public. La différence entre ces deux actes c’est qu’au niveau de la définition de la réquisition, la loi rajoute que c’est la traduction du principe de subordination du commandement des forces de gendarmerie à l’autorité civile. Cela veut dire que la réquisition suppose un rapport de subordination. Ce qui ne peut s’appliquer entre un maire, un préfet ou un ministre en charge de la décentralisation et le commandement des forces de gendarmerie.
Quand on parle de demande de concours, n’importe qui peut le faire. Même un chef de quartier, lorsque l’ordre public est menacé dans sa localité, il peut faire une demande de concours à l’autorité de commandement de son ressort.
Mais la réquisition, vous allez comprendre dans la loi 09, notamment l’article 15, c’est un rapport de subordination du commandement des forces à l’autorité civile. Cela veut dire qu’il y’a une subordination dans la réquisition, la requisition ce n’est pas comme une demande de concours mais plutôt une subordination de l’autorité de commandement à l’autorité civile.
Alors il parait évident suite à la lecture de cette disposition que si une autorité doit faire une réquisition, il faut forcément qu’il y ait une subordination entre elle et le commandement des forces censées exécuter pour maintenir l’ordre public.
Maintenant , la question est de savoir qui peut réquisitionner l’armée?
Cette problématique est réglée au niveau de l’article 3 alinéa 3 de la loi 09. Malheureusement j’ai constaté que des juristes de mauvaise foi se fondent sur l’article 28 pour étendre la réquisition de l’armée à d’autres autorités qui ne peuvent faire que des demandes. Alors que quand vous prenez cet article, évidemment on parle des autorités habilitées à demander concours ou à requérir. Puisqu’il y’a une différence entre les deux on ne peut donc pas dire que le maire, le préfet ou le ministre peut réquisitionner l’armée. C’est impossible au regard des dispositions combinées des articles 3 alinéa trois 3 et 28 de la loi portant le maintient de l’ordre public en république de Guinée.
Il ressort clairement de ces dispositions que seul le président de la république peut réquisitionner l’armée.
Alors dans quelle circonstance chaque force doit intervenir?
Lorsque la police est intervenue, elle n’a pas pu rétablir l’ordre public, la gendarmerie vient en appui, maintenant si les deux forces se trouvent débordées vu la gravité des circonstances, on peut maintenant faire recours à l’armée. Comment faire recours à l’armée ?
C’est là il faut faire une lecture attentive de l’article 3 al 3. « Dans des circonstances exceptionnelles et sur réquisition du président de la république, les forces armées peuvent intervenir en dernier ressort pour appuyer les forces de sécurité pour une période limitée dans le temps conformément aux dispositions de l’article 90 de la constitution». Il découle de cet article que non seulement l’armée vient en dernier ressort mais cela aussi doit être faite suite à une réquisition du président de la république. Parce qu’il faut comprendre que le président est le chef suprême des armées. L’armée est sous son contrôle, seul lui peut faire intervenir l’armée sur le terrain. Et ce qui est à préciser à ce niveau, la même disposition si vous la lisez bien c’est clairement mentionné, « conformément aux dispositions de l’article 90 de la constitution». On parle de la constitution du 7 mai 2010. Et cette constitution en son article 90 prévoit l’état de siège et l’état d’urgence qui doivent être décrétés par le président de la république après avis du président de l’assemblée nationale et du président de la cour constitutionnelle.
Il ressort de l’article 90 de la constitution que pour faire intervenir l’armée, il faut que l’état de siège où l’état d’urgence soit décrété par le président de la république et sur avis des présidents des institutions comme indiqués ci-haut.
Au regard de toutes ces dispositions, il faut dire que l’intervention de l’armée sur l’axe est une violation grave de la loi portant le maintient de l’ordre en république de Guinée.
Ce qu’il faut d’ailleur signaler, quand vous prenez la même loi c’est que l’intervention de l’armée doit être limitée dans le temps et dans l’espace. Or dans la situation actuelle, il n’y a eu aucun acte qui nous dit que l’armée doit intervenir un, deux ou trois jours dans telle ou telle autre zone, mais on a quand-même constaté l’intervention musclée des forces armées dans la capitale et dans une zone où il n’y avait vraiment pas de justification, parce qu’il y a des questions de nécessité, de proportionnalité et de légalité
Est ce que réellement l’acte pris est conforme à la loi ? Est-ce qu’il ne viole pas les droits et libertés hors les cas prévus par la loi? Ce sont des questions du principe de la légalité. Vous pouvez comprendre facilement que les réponses sont négatives.
Principe de nécessité, cela veut dire qu’il y’a vraiment une nécessité impérieuse, une situation qui justifie que l’armée peut intervenir. Ce qui est aussi inopérant dans le cas d’espèce.
Pour la proportionnalité, pour une simple manifestation dans une zone comme l’Axe, une petite zone, on ne peut pas faire débarquer l’armée alors qu’il y’a d’autres forces d’intervention notamment la police et la gendarmerie.
Est-ce pour dire que ces deux forces sont inefficaces pour rétablir l’ordre dans une petite localité? Ce n’est même pas toute la commune qui est concernée. On comprend là aussi que le principe de proportionnalité a été violé.».
Propos décryptés par Olladi Ibrahima