En attendant de meilleurs sentiments, à chacun sa religion
Dans un récent discours aux allures musclées, le Président de la Coordination Internationale du Fouta-Djalon s’exprime cash. Le moins qu’on puisse en dire – à supposer d’avoir un esprit républicain – c’est qu’il en dit de trop. Sans hypocrisie aucune, c’est un discours inapproprié et va-t-en-guerre. Il est malheureusement – « bien calculé » et suffisamment irresponsable pour susciter un élan de division. Et s’il existe ne serait-ce qu’une infime minorité de guinéens qui pensent comme il soutient – sans se sourciller aucunement – je devrais conséquemment me résoudre à l’idée que nous avons – non pas du chemin à faire – mais qu’il faudrait tout d’abord le trouver avant même de songer à le parcourir. Cela serait bien plus inquiétant ! Nous aurions ainsi tous beaucoup à perdre. D’ailleurs, comment pourrait-on penser comme lui ? Cela serait la question fondamentale me semble-t-il. C’est quand on connaît suffisamment un problème, qu’on pourrait envisager la solution qui le conviendrait, dira-t-on.
Mais entre nous, avoir de telles conclusions simplistes aussi graves – comme on peut l’entendre dire – serait-il le fruit de l’extrémisme de la pensée ou d’un quelconque autre endoctrinement ? Y-a-t-il un besoin d’écoute qui justifierait cette sortie ? De toutes les manières de s’écouter, cette façon de s’exprimer se prêterait-elle mieux à l’exercice ?
Nos frustrations sont communes, nos blessures sont communes, nos espérances aussi j’imagine. On me dirait sitôt que les motivations peuvent bien différer. Soit. Mais est-ce pour autant suffisant d’en faire un débat sectaire ? Pourrait-on sacrifier tout effort de vivre ensemble, de construction de notre communauté de destin ? Plutôt que diviser, nos aînés ne devraient-ils pas se résoudre à nous unir davantage ? C’est un sujet qui mérite d’amples réflexions. Il y a urgence de s’interroger sur ce que nous voulons pour nous-mêmes et les générations futures.
Mais au-delà de tout, je suis profondément triste. Parce que – hélas – c’est justement ce genre de discours qui alimente les conflits ethniques chez nous à N’zérékoré, depuis bien longtemps. Nous avons suffisamment vu de près les conséquences de l’ethno-stratégie pour savoir comment un discours ethnique et irresponsable peut mener certaines personnes à l’irréparable. Je ne saurais donc légitimer- d’aucune manière – ce genre d’irresponsabilité au motif qu’il y aurait des ressentiments. Parce ce, en toute vérité, ce que ce genre de discours induit est souvent bien pire que ce pour lequel on le défend.
La manière vaut l’acte, la parole aussi !
Ali CAMARA