Lorsqu’une infraction est commise, le tribunal compétent pour juger les responsables et la loi applicable sont des éléments incontournables dans la procédure en ce sens qu’ils sont d’ordre public. Une juridiction de droit commun ne peut pas par exemple juger un mineur. Il est aussi paradoxal qu’un jugement soit fait sur la base d’une loi générale alors qu’il y’a une loi spéciale en la matière. Une fois le tribunal compétent saisi, avant de rendre sa décision, le juge est censé se rassurer qu’il a la bonne loi applicable aux faits dont il est saisi. Ce principe est posé en latin comme suit : « specialia generalibus derogant » qui signifie que les lois spéciales dérogent aux lois générales.
Dans sa décision rendue jeudi 20 juin 2024, le Tribunal de première instance de Kaloum a condamné à 8 mois d’emprisonnement dont 7 mois assortis de sursis, les deux commissaires de la HAC poursuivis pour diffamation contre le chef de l’Etat. Cette condamnation a été faite sur la base du code pénal. Est-ce la bonne loi pour les propos incriminés? C’est à cette question que le présent article apporte une réponse claire et précise.
Selon l’article 372 du code pénal, les infractions commises par voie de presse ou par tout autre moyen de communication « sont punies conformément aux dispositions légales en vigueur relatives à la liberté de la presse, de la radio, de la télévision et de la communication». L’esprit de cet article est corroboré par l’article 364 de la même loi qui dispose In fine « : La diffamation commise…, ‘’en tout cas par toutes voies autres que celles de la presse’’, sera punie…». Par ces articles combinés, le code pénal s’élimine de facto pour application, à toute infraction commise par voie de presse ou par d’autres moyens de communication.
Au regard des vidéos et de l’événement, il est évident que les propos diffamatoires pour lesquels les commissaires de la HAC Djénè Diaby et Ibrahima Tawel Camara sont poursuivis ont été tenus lors d’une conférence et relayés par voie de presse. Les voies de la presse sont des canaux, matériels et appareils de la presse. Ainsi, le juge ne peut éluder les règles relatives à la loi 002 portant sur la liberté de la presse en république de Guinée.
Parlant de diffamation contre le chef de l’Etat, en dépit de la voie par laquelle l’infraction a été commise, cette la loi sur la liberté de la presse est encore la mieux indiquée. Le code pénal ne prévoit pas la diffamation contre le chef de l’Etat. Or dans ses articles 105 et 128, la loi 002 le prévoit, le punit et indique la procédure à suivre en la matière.
Les deux commissaires de la HAC auraient dû être jugés sur la base de la loi portant sur la liberté de la presse qui écarte des peines d’emprisonnement et non sur la base du code pénal qui ne réprime que des délits de diffamation commis en dehors des voies de presse ou d’autres moyens de communication.
Kalil Camara, Juriste Journaliste