En République de Guinée, la mise en œuvre d’un recensement biométrique suscite à la fois espoir et inquiétude au sein de la population. Cela s’explique par la mauvaise conception de la communication autour de ce devoir civique. Entre promesses de transparence électorale et craintes d’instrumentalisation politique, il est essentiel de s’interroger sur la finalité, les modalités et les garanties de ce processus.
Une nécessité pour la crédibilité du processus électoral
Depuis des années, les scrutins guinéens sont entachés d’irrégularités, d’accusations de fraudes et de tensions postélectorales. Le recensement biométrique est présenté comme une solution technique permettant d’assurer une identification unique et fiable des électeurs. Il permettrait ainsi de lutter contre les doublons, les inscriptions frauduleuses et de garantir un fichier électoral plus propre. Pour une démocratie fragile comme celle de la Guinée, c’est un pas important vers la transparence et la confiance citoyenne.
Des défis techniques et logistiques
Cependant, la mise en œuvre d’un tel système requiert des moyens importants, tant sur le plan technique que financier. La Guinée dispose-t-elle des infrastructures et des compétences nécessaires pour garantir un recensement biométrique efficace ? La couverture du territoire national, notamment les zones rurales ou enclavées, représente un défi considérable. Sans une volonté politique forte, une transparence dans l’attribution des marchés et une implication de la société civile, le processus risque de reproduire les erreurs du passé.
Les inquiétudes autour de la protection des données
Le recensement biométrique repose sur la collecte de données sensibles : empreintes digitales, photos et même la reconnaissance faciale. Dans un pays où la législation sur la protection des données personnelles est encore embryonnaire, de nombreuses voix s’élèvent pour dénoncer les risques de surveillance ou de répression. Il est impératif que des garde-fous soient mis en place : création d’une autorité indépendante de protection des données, encadrement strict de l’utilisation des informations collectées, et transparence sur les partenariats technologiques.
Un processus à surveiller de près
Le recensement biométrique ne doit pas être un simple outil technocratique. Il engage des choix politiques, institutionnels et citoyens. Il doit être inclusif, participatif et soumis à un contrôle rigoureux. Les partis politiques, la société civile, les partenaires internationaux et les citoyens eux-mêmes doivent jouer un rôle actif dans son suivi. Faute de quoi, il pourrait se transformer en un nouvel instrument de manipulation politique.
Mansaré Naby Moussa Journaliste et diplômé en Sociologie développement communautaire.