On ne le dit pas assez souvent sous l’effet sans doutes de l’omerta mais l’utilisation abusive du
pouvoir décrétale en Afrique est un phénomène répandu qui présente des menaces constantes à la
démocratie, bien que chaque pays ait ses particularités. Ce pouvoir décrétale en Afrique constitue le premier levier de l’exécutif pour organiser le bordel étatique dans nos Etats.
Le pouvoir décrétale est souvent utilisé par les chefs d’État africains pour légiférer directement, sans passer par le parlement. Ce pouvoir peut servir à des fins diverses, allant de la gestion administrative courante à des modifications substantielles des lois et des constitutions. En Afrique, très
malheureusement dans de nombreux cas, ce pouvoir est utilisé pour renforcer l’autorité présidentielle et marginaliser l’opposition.
Le cas égyptien :
Après la révolution de 2011 et la chute de Hosni Moubarak, l’Égypte a connu une période de transition politique tumultueuse. Mohamed Morsi, élu président en 2012, a émis plusieurs décrets pour consolider son pouvoir, dont un décret controversé en novembre 2012 qui lui accordait des pouvoirs exceptionnels. Ce décret a provoqué des manifestations massives et a finalement été annulé. Après la destitution de Morsi en 2013, le maréchal Abdel Fattah al-Sissi a pris le pouvoir et a également utilisé des décrets pour contrôler le pays, restreindre les libertés et réprimer l’opposition.
Le cas Zimbabwéen :
Robert Mugabe, qui a dirigé le Zimbabwe pendant près de quatre décennies, a fréquemment utilisé des décrets présidentiels pour maintenir son emprise sur le pouvoir. Ces décrets ont été utilisés pour exproprier les terres des fermiers blancs sans compensation, pour modifier les lois électorales à son
avantage, et pour réprimer les opposants politiques et les médias indépendants. Après la démission de Mugabe en 2017, son successeur Emmerson Mnangagwa a continué à utiliser des décrets pour
gouverner, bien que son approche soit légèrement plus modérée.
Le cas Ougandais :
Yoweri Museveni, président de l’Ouganda depuis 1986, a utilisé des décrets pour prolonger son mandat au-delà des limites constitutionnelles. En 2005, il a abrogé la limite des mandats présidentiels
par un amendement constitutionnel, largement perçu comme une manipulation pour rester au pouvoir. En 2017, il a également supprimé la limite d’âge présidentielle par décret, lui permettant de se présenter aux élections de 2021, qu’il a remportées dans des conditions controversées. (Pauvre Afrique)
Le cas Tchadien :
Idriss Déby, qui a dirigé le Tchad de 1990 jusqu’à sa mort en 2021, a fréquemment utilisé des décrets pour contrôler le pays. Il a modifié la constitution plusieurs fois pour prolonger son mandat et a
réprimé toute forme d’opposition politique. Après sa mort, un conseil militaire dirigé par son fils, Mahamat Idriss Déby, a pris le pouvoir et continue d’utiliser des décrets pour gouverner. Pour ne citer que ceux-là.
Cette manipulation du pouvoir décrétale a toujours engendrée des conséquences désastreuses agrandissant la paupérisation des masses en pompe.
1- L’affaiblissement des Institutions Démocratiques :
Il faut savoir que l’utilisation excessive du pouvoir décrétale affaiblit les institutions démocratiques, en particulier les parlements, qui sont censés jouer un rôle clé dans l’élaboration des lois et la
surveillance du pouvoir exécutif. Cela conduit à une concentration du pouvoir entre les mains du président, réduisant la séparation des pouvoirs et augmentant les risques de dérives autoritaires.
2. La répression et les violations des Droits de l’Homme : Les décrets sont souvent utilisés pour adopter des mesures répressives visant à restreindre les libertés civiles, réprimer les opposants politiques et contrôler les médias. Cela crée un climat de peur
et d’intimidation, où les citoyens sont privés de leurs droits fondamentaux et où la dissidence est sévèrement punie.
3. La corruption et la mauvaise Gouvernance :
La centralisation du pouvoir par décret favorise la corruption et la mauvaise gouvernance. Les décisions prises sans transparence ni consultation publique peuvent mener à des abus de pouvoir, au
détournement des ressources publiques et à l’enrichissement illégal d’une élite proche du pouvoir.
4. L’instabilité Politique :
L’utilisation des décrets pour prolonger les mandats présidentiels et modifier les constitutions à des
fins personnelles exacerbe les tensions politiques et sociales. Cela peut conduire à des manifestations, des conflits violents et des coups d’État, comme cela a été le cas dans plusieurs pays africains.
Quelles solutions ?
En termes de perspectives et solutions il faut tout d’abord opérer un toilettage institutionnel en engageant :
Des réformes Institutionnelles profondes :
Pour limiter la manipulation du pouvoir décrétale, il est essentiel de renforcer les institutions démocratiques, notamment les parlements, les systèmes judiciaires et les organes de surveillance.
Ces institutions doivent être indépendantes et disposer des ressources nécessaires pour jouer leur
rôle de contre-pouvoir.
La Participation Citoyenne :
La participation citoyenne dans le processus politique doit être encouragée. Les gouvernements
doivent promouvoir la transparence et la consultation publique dans l’élaboration des lois et des politiques. Les organisations de la société civile et les médias indépendants ont un rôle crucial à jouer dans ce domaine.
Les Pressions Internationales :
La communauté internationale peut exercer des pressions sur les gouvernements africains pour qu’ils
respectent les principes démocratiques et les droits de l’homme. Cela peut se faire par le biais de sanctions ciblées, de conditionnalités d’aide et de soutien aux initiatives démocratiques locales.
L’éducation et la sensibilisation :
L’éducation et la sensibilisation des citoyens sur leurs droits et le fonctionnement des institutions
démocratiques sont essentielles pour créer une culture de responsabilité et de participation. Les programmes éducatifs et les campagnes de sensibilisation peuvent renforcer la compréhension et
l’engagement civiques.
Somme toute, la manipulation du pouvoir décrétale en Afrique est un défi majeur pour la démocratie
et la gouvernance. Bien que ce pouvoir puisse être utilisé pour répondre à des situations d’urgence
ou pour prendre des décisions rapides, son utilisation abusive et fréquente par les présidents
africains pour consolider leur pouvoir et réprimer l’opposition a des conséquences néfastes. Pour progresser vers des sociétés plus démocratiques et justes, il est crucial de mettre en place des
réformes institutionnelles, d’encourager la participation citoyenne, de renforcer les pressions
internationales et de promouvoir l’éducation civique.
Alea Jacta, Advienne que pourra.
Par Aboubakr.