La Guinée s’apprête à franchir une étape déterminante de son histoire politique : le projet de nouvelle Constitution, en cours de finalisation, sera soumis au référendum populaire en septembre 2025. Une échéance capitale, à forte portée juridique et symbolique. Mais à moins de deux mois du scrutin, plusieurs interrogations légitimes se posent : la loi électorale guinéenne actuelle permet-elle de bien encadrer ce processus ? Quels défis attendent les institutions en charge de l’organisation, notamment la Direction Générale des Élections (DGE) ?
Une loi électorale existante… mais à adapter
La Guinée dispose d’un Code électoral révisé par la loi organique L/2017/003/AN du 24 février 2017, qui encadre l’organisation des différents scrutins, y compris le référendum. Toutefois, ce cadre légal – conçu principalement pour les élections politiques – reste silencieux sur de nombreuses spécificités du vote référendaire, telles que la durée de la campagne, les modalités de validation des résultats, ou encore la gestion des bulletins de vote.
Il apparaît donc nécessaire, voire urgent, d’adopter un texte complémentaire (loi ou décret d’application) pour fixer les règles propres à ce scrutin exceptionnel. Sans ce complément normatif, le risque d’imprécisions juridiques et de contestations sera accru.
Un référendum à haut risque démocratique… ou à forte valeur de légitimation
Au-delà du cadre juridique, le contenu même de la nouvelle Constitution doit être suffisamment débattu, vulgarisé et approprié par les citoyens. L’acte de voter « Oui » ou « Non » ne peut avoir de sens que si les électeurs comprennent ce qu’ils valident. Il ne s’agit pas seulement de consulter le peuple, mais de lui faire véritablement participer à la refondation institutionnelle du pays.
Cela exige une campagne inclusive, équilibrée et apaisée, où tous les courants d’opinion peuvent s’exprimer librement, et où la société civile, les médias, les juristes et les leaders communautaires jouent pleinement leur rôle d’éducateurs civiques.
Une DGE en première ligne : quels défis ?
La Direction Générale des Élections (DGE), bras technique de la CENI, se retrouve au cœur de ce processus. Elle devra relever de nombreux défis en un temps record :
1. Le défi du fichier électoral
Il faut s’assurer que le fichier électoral est à jour, fiable et inclusif, notamment en y intégrant les nouveaux majeurs et en écartant les doublons ou les électeurs décédés.
2. Le défi logistique
L’organisation d’un référendum national implique une logistique lourde, depuis l’impression des bulletins jusqu’à leur acheminement sécurisé dans les zones les plus enclavées.
3. Le défi financier
La mobilisation à temps des ressources budgétaires reste un enjeu de taille. Il faut garantir la transparence et l’efficacité de l’usage des fonds alloués à cette opération d’envergure.
4. Le défi de communication
Il faudra investir dans une communication neutre, pédagogique et multilingue, afin d’éviter la désinformation et de favoriser une participation massive et éclairée.
5. Le défi de crédibilité
En dernière analyse, le scrutin devra non seulement être techniquement réussi, mais surtout perçu comme légitime et équitable par les citoyens. C’est là que se joue la confiance du peuple dans les institutions.
Une opportunité pour refonder la République
Ce référendum ne doit pas être un simple exercice de validation formelle. Il représente une occasion historique de refondation pour notre République, à condition que le processus soit transparent, bien encadré et participatif.
Les autorités politiques, les institutions électorales, les acteurs de la société civile et chaque citoyen ont une part de responsabilité dans cette œuvre collective. Il ne s’agit pas de plébisciter un régime, mais de construire ensemble les fondements juridiques d’un avenir commun plus juste, plus stable et plus démocratique.
Mohamed Chérif Touré, juriste, spécialiste en droit constitutionnel, pénal et en droits de l’homme. Actuellement chef de division à la Direction nationale des Affaires criminelles et des Grâces au ministère de la Justice et des Droits de l’Homme de Guinée
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