spot_img
spot_img
AccueilMINEQuelques propositions de mesures contre l’exploitation illégale de l’or en haute Guinée.

Quelques propositions de mesures contre l’exploitation illégale de l’or en haute Guinée.

Par :

Mamoudou CONDE, Juriste, spécialiste des questions de gouvernance des industries extractives.

Sitan Sinè SIDIBE : Juriste-Ecrivain. Spécialisé des questions environnementales, minières et foncières.

L’exploitation minière est en soi une activité destructrice de l’environnement. Qu’elle soit légale ou non, elle ne peut se faire sans causer des dommages à l’écosystème. Cependant, dans l’optique de minimiser et de contenir ses effets, il est indispensable de la réglementer afin d’éviter une exploitation anarchique aux conséquences désastreuses. En Guinée, cette tâche est principalement contenue dans les textes de loi, comme le code minier et celui de l’environnement, ainsi que les actes d’application qui s’y rapportent. Dès les premières démarches pour l’obtention d’un titre minier ou des autorisations, les préoccupations environnementales s’imposent aux demandeurs, dont l’observation, entre autres, lui permettra d’acquérir le droit de mener l’activité pour laquelle il sollicite le titre minier ou l’autorisation. Et les exigences environnementales ne se limitent pas à cela, elles poursuivent l’exploitant non seulement tout au long de son activité, mais aussi au terme de celle-ci.

Malgré cette sophistication juridique, il est regrettable d’assister, de nos jours, à une dégradation catastrophique de l’environnement dans les zones aurifères comme Siguiri, Mandiana, Kouroussa, Gaoual et Kerouane. La dernière en date est la pollution du fleuve Tinkisso, appelé Bafing, à la rentrée de la ville de Siguiri. Une réalité qui inspire la question suivante : quelles mesures concrètes et efficaces prendre pour minimiser, autant que possible, les conséquences dommageables de l’exploitation artisanale et de l’exploitation mécanisée de l’or sur notre environnement ?

La réponse à cette question nous permettra d’évoquer des mesures que doivent prendre les autorités compétentes ( les administrations impliquées dans les activités minières et la protection de l’environnement), ensuite le rôle de l’appareil judiciaire, avant d’aborder l’initiative citoyenne dans la protection de l’environnement.

I – Des mesures que doivent prendre les autorités compétentes :

– La mise en place d’un audit indépendant. Vu les conséquences néfastes de cette exploitation minière anarchique sur l’environnement à travers les zones aurifères citées ci-dessus, il est urgent d’engager un ou des audits avec des experts indépendants ou un cabinet d’audit, afin d’aider à comprendre non seulement les défaillances dans le processus d’octroi des autorisations, mais aussi les véritables causes de la non-application de la loi dans les activités d’exploitation.

– L’application rigoureuse des dispositions de l’article 38 et suivants du code de l’environnement sur l’audit environnemental et la redynamisation des services techniques chargés de l’inspection. Cela impliquera un contrôle régulier sur les sites, assorti des rapports qui doivent être publiés. Ces services doivent pouvoir mener leurs missions conformément à la loi et en dehors de toute influence dont le dessein est de les écarter de la légalité.

– Le renforcement de l’arsenal juridique. Bien que nous disposions d’une réglementation plus ou moins efficace, il serait nécessaire de tenir compte de certaines pratiques locales de l’exploitation artisanale et de l’exploitation mécanisée et surtout d’organiser le secteur non pas avec des actes réglementaires, mais par voie législative. Car les enjeux du secteur semblent être de nos jours plus importants pour être réglementés par les arrêtés, quoiqu’interministériels.

– La création d’un site internet spécial pour les autorisations, c’est-à-dire celles qui confèrent le droit de mener l’exploitation artisanale et de l’exploitation mécanisée, afin de promouvoir la transparence et la redevabilité dans leur octroi et permettre aux citoyens de faire le suivi sur le terrain.

– La formation et la sensibilisation. En synergie avec les organisations de la société civile, il faudrait encourager la formation et la sensibilisation des communautés locales et des agents de l’État sur le cadre juridique, les impacts de l’exploitation minière illégale ainsi que les avantages de l’exploitation minière responsable.

II – Le rôle de l’appareil judiciaire :

Avec cette recrudescence des massacres écologiques, il est indispensable que la justice se mobilise pour appliquer la loi en tant que gardienne de celle-ci. À chaque fois qu’une infraction est commise sur l’environnement, le ministère public doit ouvrir une enquête sérieuse et assidue pour que les responsables soient traduits devant la justice conformément aux dispositions des articles 165 et suivants du code de l’environnement. Et les auteurs de l’exploitation illégale, conformément aux dispositions de l’article 207 du code minier. Cela permettra non seulement de réparer les préjudices, mais aussi de dissuader d’éventuelles infractions en la matière.

Aussi, il serait nécessaire de former et d’outiller les magistrats sur les spécificités du droit de l’environnement, à défaut de la création d’une juridiction spéciale de l’environnement.

III- L’initiative citoyenne dans la protection de l’environnement

Il est crucial de rappeler que les citoyens, en associations, peuvent et doivent être de véritables remparts contre les dégradations environnementales. La loi, à travers l’article 17 du code de l’environnement, leur donne, pour celles qui sont agréées, la latitude d’agir pour protéger l’environnement. Elles peuvent mener des activités dans ce sens sur leur propre initiative, en rapport avec l’État, les collectivités locales ou les entreprises. Elles sont habilitées aussi à engager l’action publique en cas d’une infraction environnementale, afin de poursuivre les auteurs devant la justice (article 166 du code de l’environnement). Ainsi, il serait plus que nécessaire de créer des associations de défense de l’environnement dans les zones où l’environnement est constamment dégradé par les activités minières. Avec le laxisme souvent déploré au niveau de l’administration, les associations peuvent, de par leur liberté d’action, jouer un rôle majeur dans la protection de notre couvert végétal.

En somme, il faudra noter que la lutte contre l’exploitation minière illégale de l’or, ayant des conséquences désastreuses sur l’environnement dans certaines de nos localités, passera indéniablement par le respect de la loi. Par l’application correcte et stricte des actes réglementaires et des décisions de justice en la matière. La prise de mesures concrètes et efficaces par les autorités compétentes, la poursuite des auteurs de l’exploitation minière illégale par la justice, ainsi que la mobilisation des citoyens autour des associations pour la protection de l’environnement. Chacun, dans le rôle qui lui est dévolu, avec des démarches rigoureuses et persévérantes, pourra servir de bouclier contre la destruction de notre environnement.

RELATED ARTICLES

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Most Popular

Recent Comments