La bataille entre Alphonse Charles Wright et l’Association des magistrats de Guinée (AMG), continue par médias interposés. Vendredi dernier, à travers un arrêté, le ministre de la Justice a fait remplacer Mohamed Diawara au poste de procureur spécial près le tribunal pour enfants. Cette décision irrite la colère de l’AMG, qui accuse le garde des Sceaux de vouloir imposer son ‘’humeur’’ au détriment des lois de la République.
Dans une déclaration à charge, publiée ce dimanche 28 août 2022, dont notre rédaction détient copie, le Conseil d’administration de l’AMG a dénoncé une décision ‘’arbitraire’’ et manifestement ‘’illégale’’.
A en croire l’Association des magistrats de Guinée, le garde des Sceaux a pris cette décision alors qu’une médiation était en cours pour un dénouement heureux. L’AMG affirme par ailleurs que Charles Wright a refusé de répondre à l’invitation du président du Conseil d’administration de ladite association. Selon l’AMG, la violation des textes de lois par le ministre de la Justice est délibérée : « Ce qui dénote à nouveau la volonté de monsieur Alphonse Charles Wright, magistrat, à continuer, pour des raisons subjectives, à violer les dispositions des articles 34 de la loi L/054/CNT/2013 du 17 mai 2013, portant statut des magistrats et 751 du Code de procédure pénale. La question fondamentale est celle de savoir, qu’est ce qui empêche monsieur le ministre de la Justice, de recueillir l’avis conforme du Conseil supérieur de la Magistrature, avant toute injonction concernant un magistrat ? », s’interroge-t-elle.
Déplorant la ‘’violation’’ des lois de la République par le ministre Charles Wright, l’AMG fait remarquer que cela constitue un frein pour l’État de droit dans le pays. Face à ce qu’elle qualifie de ‘’récurrentes irrégularités’’, l’Association des magistrats de Guinée met les points sur les ‘’i’’ : « Le CA rappelle que conformément à l’article 21 de la loi organique L/055/CNT/2013 du 17 mai 2013, portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la Magistrature : ‘’Les Magistrats du siège, du parquet et de l’administration centrale sont nommés et affectés par décret du Président de la République, sur proposition du ministre de la Justice, garde des Sceaux après avis conforme du Conseil supérieur de la Magistrature’’. Il s’ensuit que la nomination d’un magistrat ne saurait se faire suivant un arrêté du ministre de la Justice fût-il un intérimaire », a-t-elle fait savoir.
Toutefois, précise l’AMG, le ministre de la Justice a la possibilité de déléguer par arrêté, un magistrat, lorsque le nombre de magistrats d’une juridiction est insuffisant pour assurer la bonne continuité du service public de la justice : « En I ‘espèce, il y a lieu d’expliquer les conditions d’applicabilité de l’article 82 de loi L/054/CNT/2013 du 17 mai 2013, portant statut des magistrats, lequel donne droit au ministre de la Justice de désigner par voie d’arrêté un intérimaire. En application de cet article, le ministre de la Justice doit être préalablement et dûment saisi par le premier président ou le procureur général près la Cour d’Appel. Or, dans l’arrêté NO 2116/MJDWCAB/SGG du 25 août 2022, portant nomination d’un chef de parquet par intérim, il ne ressort nulle part que cette procédure légale a été observée. formes, doit obligatoirement cumuler sa fonction originelle, résultant d’un décret avec la nouvelle charge, résultant de l’arrêté du ministre de la Justice », poursuit l’AMG, tout en martelant de passage qu’un arrêté ne peut abroger un décret présidentiel.
Par ailleurs, l’AMG invite le garde des Sceaux à se conformer aux textes de lois dans sa prise de décision pour, dit-elle, l’intérêt supérieur des justiciables et des usagers du service public de la Justice. Invite a été faite également aux magistrats à prendre leur responsabilité face à ce que l’AMG qualifie de violation récurrentes de leur statut, mais aussi à ne pas céder à l’intimidation, en vue de garantir l’indépendance de la Justice guinéenne. Cependant, l’AMG a tenu à envoyer un message clair au garde des Sceaux : « A cet égard, son président n’est justiciable ni devant le ministre de la Justice, ni devant les magistrats du Conseil supérieur de la Magistrature, en conséquence, ne saurait faire l’objet de suspension ou de sanction dans l’exercice de ses fonctions de président d’ association », a-t-elle conclu.
Il est à rappeler tout de même que le premier rappel à l’ordre émis à l’égard du garde des Sceaux par l’AMG, n’a pas été digéré par Alphonse Charles Wright, qui a pris un arrêté pour suspendre Mohamed Diawara de ses fonctions, pour ‘’manquements graves’’. Cette énième sortie de l’AMG va-t-elle encore irriter la colère de l’ancien procureur général près la Cour d’appel de Conakry ? En tout cas, les prochaines semaines s’annoncent déterminantes.
Mohamed Lamine Souaré
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