La Guinée semble devenir un pays de non-droit. Du régime d’Alpha Condé à celui du Général Mamadi Doumbouya, ils sont nombreux ces opposants politiques qui sont victimes de tortures, de séquestration et bien d’autres traitements inhumains. Membre de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti de l’opposition guinéenne, Mamadou Juma Diallo a été à plusieurs reprises torturé au point qu’il a failli laisser sa vie. Le témoignage qu’il a fait notre rédaction ne laisse indifférente aucune âme sensible. Aujourd’hui, Mamadou Juma Diallo tente de s’aventurer dans un pays qui respecte les droits humains comme les États-Unis, pour ne pas perdre la vie comme de nombreux opposants guinéens.
Rencontré par notre rédaction, il déclare toute sa péripétie sans détour « Je m’appelle Mamadou Juma Diallo. Je suis originaire et citoyen guinéen, né le 1er janvier 1981 à Conakry. Je suis le fils de feu Mamadou Aliou et de Kade Sadio Diallo. J’ai une sœur et deux frères. Mon intention est de me mettre en route pour les États-Unis, en traversant la frontière terrestre avec le Mexique, pour espérer avoir l’asile parce que j’ai peur de retourner en Guinée, où j’ai été arrêté, détenu, torturé et harcelé par les forces de sécurité guinéennes, en raison de mon appartenance politique. Je suis membre du parti politique Union des Forces Démocratiques Guinéennes (UFDG) depuis 2012, j’étais membre de la section Moto vélo; lorsque le président de l’époque a décidé de modifier la Constitution guinéenne par référendum afin de pouvoir briguer un troisième mandat en 2020.

Le 22 mars 2020, le président Alpha Condé et son régime ont organisé un référendum constitutionnel couplé à un vote législatif, toutes élections boycottées par tous les grands partis d’opposition dont l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG), parti auquel j’appartiens depuis 2012.
Dans le parti UFDG, je n’ai occupé aucun poste de direction. Mais dans le quartier où j’habitais et sur mon lieu de travail en tant que marchand au marché de San Fil, j’étais un fervent défenseur du parti et un mobilisateur pour sa cause auprès des autres habitants et des commerçants. Après l’adoption de la nouvelle Constitution, des élections présidentielles étaient prévues pour le 18 octobre 2020. Notre parti a décidé de présenter notre Président M. Cellou Dalein Diallo comme candidat. De nombreux autres partis ont choisi de boycotter l’élection.
Au lendemain de l’élection, M. Diallo, après avoir recueilli les résultats des bureaux de vote dans tout le pays, s’est déclaré vainqueur de l’élection présidentielle dans la soirée du 19 octobre 2020. Cette déclaration a provoqué l’ire du gouvernement et de ses alliés, qui ont donc commencé à traquer les partisans de M. Diallo qui, pour la plupart, sont issus d’une ethnie. Les quartiers peuls ont été encerclés par les forces de sécurité lourdement armées. C’était dévastateur de voir comment les agents de sécurité maltraitaient leur propre peuple. Le 22 octobre 2020, j’ai été appréhendé avec plusieurs autres amis alors que je sortais de la mosquée après la prière du soir. Nous avons été envoyés à l’escadron Hamdallaye où, après une semaine d’épreuves et de mauvais traitements, mon oncle Mamadou Bobo a versé la somme de deux millions de francs guinéens aux officiers pour me faire libérer. Au vu du nombre de morts parmi les manifestants, j’ai décidé d’être prudent, je suis même allé me cacher chez un ami dans le même quartier pendant un moment pour éviter les forces de sécurité.
Pendant les mois qui ont suivi, j’ai eu une peur bleue parce que les forces de sécurité tuaient des jeunes hommes pour la seule raison de soutenir l’UFDG et son président, M. Cellou Dalein Diallo.
Puis, le 5 septembre 2021, M. Alpha Condé a été chassé du pouvoir par ses propres forces de sécurité qui avaient l’habitude d’aller dans nos quartiers et de commettre des atrocités. Les chefs de la junte militaire étaient les chefs des forces spéciales créées par Alpha Condé pour réprimander l’opposition et ses partisans. La nouvelle junte militaire, peu après avoir pris en main le destin du pays, a commencé à montrer son vrai visage en restreignant toutes les activités politiques et en proposant une transition de quatre ans. Les partis politiques et les organisations de la société civile, en particulier le FNDC (Front national pour la défense de la Constitution) ont décidé de relancer les manifestations pour pousser la junte militaire à un retour rapide à un gouvernement constitutionnel. Le 28 juillet 2022, une manifestation géante a été organisée contre la junte militaire. Comme à l’accoutumée, le rassemblement a été réprimandé dans le sang lorsque cinq manifestants ont été abattus par les forces de sécurité. Pendant des semaines, notre quartier a été surveillé par les forces de sécurité puis j’ai été arrêté le 2 août 2022, avec beaucoup de mes amis de l’UFDG pour avoir participé au rassemblement.
J’ai été envoyé avec une douzaine d’autres personnes à l’escadron Matam PM3 où j’ai été détenu dans des conditions difficiles. Pendant ma détention, j’ai été torturé physiquement et mentalement.
Après cinq jours de détention, j’ai été libéré le 7 août 2022, lorsque ma femme et mon oncle, ont négocié avec un officier de l’escadron et payé quatre millions de francs guinéens. L’officier a alors inscrit mon nom sur la liste des fugitifs et a dit à mon oncle de me renvoyer loin de Conakry.
Mon cousin Mamadou Diallo m’a accepté de me cacher chez lui jusqu’à ce que je prépare mon départ de Guinée. J’ai quitté la Guinée le 1er septembre 2023. Je me suis rendu au Sénégal, où je me bats actuellement pour passer vers le Nicaragua et le Mexique avant d’arriver aux États-Unis.
J’ai peur de retourner en Guinée où je ferai l’objet d’une arrestation et d’une détention arbitraires, puis de la torture ou même de la mort par la junte militaire qui est au pouvoir là-bas. »

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