Ce n’est que répétition ou rappel dirait l’autre.
J’aurais pu commencer mes propos par dire que je ne regrette pas le fait d’aimer ce grand homme, Ahmed Sékou Touré, sinon que d’avoir été désappointé – à la limite de ce que l’on pourrait lui faire de reproches – que nombreux de nos hommes politiques qui ne l’ont jamais portés dans leur cœur se soient finalement révélés être des pseudo-démocrates, car on ne peut pas reprocher à l’autre ce qui nous sied en rente politique. Mais est-ce que cela aurait été si important ? Est-ce que l’on m’aurait fait le procès si j’eusse été honnête ? Mais allons-y droit au but. Nos intellectuels devenus pour la plupart des opposants politiques n’ont-ils jamais su à quoi devrait se tenir un homme d’Etat ? Parce qu’un homme de cette dignité ne peut privilégier que l’intérêt général. Est-ce donc une guerre d’intérêts au fond ? Pourtant les mêmes qui ont combattu Sékou Touré et Lansana Conté n’ont pas trouvé mieux à faire que d’arracher un 3ème mandat. Quelle ironie du sort ! Quel opprobre à la conscience ! Comment peut-on se dédire à ce point ? C’est au-delà de l’incompréhension, de l’incohérence à ciel ouvert et assurément une faute devant l’histoire. Ceux qui ont oublié cela; ces mêmes personnes et tous ceux de leur acabit voudraient oser se justifier et espérer le procès d’une morale dont ils seraient porteurs. Ils sont devenus tout d’un coup éclairés ! Jesus ! Si ce n’est de l’affront, c’est tout de même un aplomb d’insouciance épouvantable. Ils devraient avoir à défaut de l’intelligence, l’humilité de se taire !
L’opposition politique n’est pas en reste. Aussi pendant cette dernière décennie, elle a brillé par son incapacité – malgré les manquements multiples du pouvoir – à fédérer les populations autour de leurs préoccupations réelles. Cela dénote d’un grand malaise au sein des couches sociales qui n’entendent plus faire confiance à tous ces leaders politiques souvent aux convictions versatiles, de tous ces noms cités et récités. Un autre phénomène – et je crois que celui-ci est typique à l’essentiel des partis politiques en Guinée – c’est l’absence à priori de programmes réels et structurés de développement. Il y a des idées ça et là, mais au fond rien de structuré ! Que de la politique du vent !
Quitter la passion et le cœur quelques fois peut nous apporter autant la clairvoyance que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets. On connaît nos hommes politiques, on leur connaît si bien; leur histoire,les milieux politiques et les « obédiences »qu’ils fréquentent. On leur connaît des habitudes et on connaît à ces habitudes les mêmes effets depuis toujours : le cycle infernal du blocage politique et institutionnel et leurs incidences dans le pourrissement du climat social. On sait donc que la Guinée mérite aujourd’hui de faire un véritable arrêt pour s’interroger sur son avenir. Il faut un grand arrêt pour reprendre le souffle. On ne peut pas se battre pour la vieille garde politique. On ne peut pas porter son combat si on le connaît bien. Il nous faut de nouvelles alternatives. Mais malheureusement, ce sont toujours les plus jeunes, ces moins avertis qui portent leur voix !
Mais il est nécessaire de rappeler que nous devons dépasser les querelles ethniques et politiques inutiles et qui donnent l’impression que nous sommes divisés. On a les mêmes problèmes. Dans nos campagnes, nos parents ont les mêmes difficultés. Dans nos grandes villes, les jeunes ont les mêmes problèmes. Nous voulons les mêmes espérances. Nous cherchons le même havre de paix, de bonheur. Nous voulons d’une Guinée unie et forte et d’un Président qui nous rassemble, des hommes politiques au service du commun. Nous voulons d’une nouvelle Guinée, celle de nos rêves, de nos prières jusque-là «refoulées» ! Ce dont il est question alors, c’est de se battre désormais pour des idéaux et non pour des personnes, à moins qu’elles puissent incarner sérieusement ces derniers. On veut une Guinee riche, celle qui donne la chance à ses jeunes de vivre dignement. Devrions-nous continuer à faire confiance aux mêmes personnes pour espérer un miracle ? Croyez-moi, le miracle réside dans le travail !
Ne nous méprenons pas aussi. L’enjeu réel c’est la survie de notre nation en construction. Ce ne sont pas les élections pour les élections. Si on se plante cette fois, nous passerons des décennies dans une « instabilité politique » indescriptible aux conséquences incommensurables, qui mèneront des générations dans des luttes insensées et nos voisins auront raison de nous, de nous qui étions si fiers d’être des guinéens, nous les premiers à dire non et à avoir compris que notre destin ne se construira qu’entre nous ! D’ailleurs pourrait-on réellement organiser des élections dans un climat politique aussi morose ? Ne serait-ce pas dans ce cas reproduire les mêmes scénarios ? À quoi bon donc de les faire maintenant ? Ne faudrait-il pas d’abord des préalables plus sûrs ? Faut-il faire des élections et revenir après à une énième transition ? À quels prix ? Les guinéens ne devraient-ils pas prendre le temps de contrôler suffisamment la température avant de prendre ce bain chaud ?
Il est clair qu’on peut ne pas aimer les nouvelles autorités du pays. C’est un droit absolu. Mais cela ne change ni les enjeux ni les risques à considérer. À ce propos, nul besoin d’insister à dire que des actions du CNRD peuvent être impopulaires aujourd’hui, mais que le plus important demeure leur nécessité et leur efficacité, en laissant ainsi la postérité juger avec le recul nécessaire. Voilà ce en quoi je crois fermement. Voilà ce pourquoi je ne comprends pas jusque-là les raisons qui nous amènent à faire les mêmes débats stériles là où justement nous devrions discuter de ce qui importe : l’avenir politique de notre pays et de ses incidences sur votre vie socio-économique et culturelle. Pour ceux parmi nous qui ont la mémoire courte et sélective, c’est le changement des mentalités dont on a urgemment besoin et ce changement ne se décrète pas !
Ali CAMARA