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AccueilPOLITIQUEAssimi Goïta – Nana Akufo-Addo… Qui aura le dernier mot ?

Assimi Goïta – Nana Akufo-Addo… Qui aura le dernier mot ?

À quatre mois de la fin réglementaire de la transition, le colonel Assimi Goïta entend rester maître du calendrier. Ce qui n’est pas du goût de Nana Akufo-Addo, le président en exercice de la Cedeao, qui fait pression pour que le transfert du pouvoir aux civils soit le plus rapide possible.

En public, la poignée de main se veut toujours chaleureuse et les sourires apaisants. Mais à sa descente d’avion, ce 17 octobre, c’est un Nana Akufo-Addo déterminé qui foule le tarmac de l’aéroport Modibo-Keïta (ex-Bamako-Senou). Cette visite du président en exercice de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’est imposée parce que les autorités maliennes s’éloignent des engagements que les putschistes avaient pris au lendemain du coup d’État qui a entraîné la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août 2020.

LE GHANÉEN ÉTAIT VENU PORTEUR D’UN MESSAGE FERME

Nana Akufo-Addo s’est entretenu à huis clos avec le président de la transition et, si nulle déclaration ni communiqué n’ont suivi cet échange, le Ghanéen était venu porteur d’un message ferme, à la hauteur de l’inquiétude des chefs d’État ouest-africains face aux atermoiements d’Assimi Goïta. Tandis que le 22 février 2022, date à laquelle doit se tenir l’élection présidentielle censée sanctionner la fin de la transition, approche à grands pas, le locataire du palais de Koulouba n’a en effet esquissé aucun chronogramme clair.

Le maître des horloges

Mais loin de se conformer aux demandes de ses pairs, le président de la transition semble bien décidé à rester le maître des horloges. Et n’hésite pas à le démontrer de manière spectaculaire. Le 25 octobre, à peine une semaine après la visite du président ghanéen, Hamidou Boly, le représentant permanent de la Cedeao au Mali, a été sommé de quitter le pays sous 72 heures.

Bamako reproche au diplomate burkinabè d’être impliqué dans « des activités de déstabilisation contre la transition ». Les autorités l’accusent d’être proche de partis politiques et mouvements de la société civile qui veulent mettre fin au régime en cours, et affirment même avoir des « preuves » de ces accusations.

Alors que, lundi, Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, a assuré à Jeune Afrique que Bamako avait informé la Cedeao il y a plusieurs mois de ces soupçons, celle-ci semble dans un premier temps sonnée par l’annonce. Les accusations sont lourdes, et l’organisation temporise avant de répondre formellement. Elle le fait deux jours seulement après que son émissaire a été abruptement déclaré « persona non grata ».

Dans un communiqué publié le 27 octobre, la Communauté économique dit « regretter » l’éviction du diplomate, d’autant plus qu’elle intervient « dans une période importante et délicate caractérisée par l’accompagnement de la transition politique au Mali par la Cedeao et les autres partenaires, dans un contexte sécuritaire complexe ». 

ASSIMI GOÏTA DÉGAGEAIT UNE ASSURANCE ET UNE SÉRÉNITÉ QUI LUI ONT VALU L’ESTIME ET LA COMPRÉHENSION DE SES PAIRS

Une mise en garde ferme, qui montre cependant que l’organisation sous-régionale, placée devant le fait accompli, prend acte de la décision de Bamako puisqu’elle annonce avoir déjà « engagé le processus de rappel du représentant pour assurer son remplacement dans les meilleures conditions ».

Bienveillance et flexibilité

Comment en est-on arrivé à ce niveau de tension ? Si le Mali a été suspendu des instances de la Cedeao après le coup d’État du 24 mai dernier, l’organisation ouest-africaine avait néanmoins tout fait pour épargner Bamako. Les chefs d’État avaient en effet préservé le pays des sanctions économiques un temps envisagées, qui n’auraient pas manqué de l’asphyxier davantage.

HAMIDOU BOLY, CONSIDÉRÉ COMME INTRANSIGEANT PAR LES AUTORITÉS MALIENNES, A FAIT LES FRAIS DE CE BRAS DE FER

De plus, les relations entre Assimi Goïta et ses homologues semblaient, jusque-là, plutôt bonnes. Lors de la première phase de la transition, présidée par Bah N’Daw, Goïta sollicitait régulièrement les dirigeants ouest-africains lorsqu’il était en désaccord avec l’officier à la retraite qu’il a fini par renverser. Il demandait notamment souvent conseil au président déchu Alpha Condé, s’entretenait régulièrement avec l’Ivoirien Alassane Ouattara et le Togolais Faure Essozimna Gnassingbé avec lequel, au fil du temps, il a tissé des liens solides.

« Assimi Goïta dégageait une assurance et une sérénité qui lui ont valu l’estime et la compréhension de ses pairs. C’est cette personnalité qui peut expliquer la flexibilité des chefs d’État après le deuxième putsch », confie un cadre malien qui a officié lors de la première phase de transition. 

De son côté, s’il a la réputation de savoir se montrer ferme quand la situation l’impose, le président ghanéen est décrit comme un homme très « courtois » et « pondéré ». Au sein de la Cedeao, qu’il préside, il est loin de faire figure de faucon et se range plutôt du côté de ceux qui plaident pour éviter d’adopter une posture trop rigide vis-à-vis des militaires qui tiennent le pouvoir à Bamako. « Il a toujours fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et de compréhension par rapport à la situation du Mali », reconnaît notre source. 

Guerre d’influence

Mais le glissement probable du calendrier de la transition et les craintes grandissantes de voir les putschistes ne pas tenir leurs engagements ont eu raison de ce climat relativement apaisé. Hamidou Boly, considéré comme intransigeant par les autorités maliennes, a fait les frais de ce bras de fer.

À LA CEDEAO, ILS ONT ENFIN COMPRIS QUE CHOGUEL MAÏGA ÉTAIT EN TRAIN DE SE JOUER D’EUX

En visite à Bamako début septembre, Goodluck Jonathan, le médiateur de la Cedeao pour le Mali, avait d’ailleurs rappelé à l’ordre les autorités, en les exhortant à s’en tenir au calendrier initial. Mais sa demande de publication d’un chronogramme clair avant la mi-octobre est restée lettre morte. « À la Cedeao, ils ont compris que le Premier ministre Choguel Maïga était en train de se jouer d’eux, estime un ancien familier du palais présidentiel. Depuis qu’il a pris ses fonctions à la primature, il tourne en rond. Il a son propre agenda. À chaque fois qu’il est question du calendrier, Choguel détourne le problème en disant qu’il doit organiser des assises… C’est cela qui a fini par pousser la Cedeao à durcir sa position. »

À quatre mois de la fin réglementaire de la transition, le colonel Assimi Goïta entend rester maître du calendrier. Ce qui n’est pas du goût de Nana Akufo-Addo, le président en exercice de la Cedeao, qui fait pression pour que le transfert du pouvoir aux civils soit le plus rapide possible.

En public, la poignée de main se veut toujours chaleureuse et les sourires apaisants. Mais à sa descente d’avion, ce 17 octobre, c’est un Nana Akufo-Addo déterminé qui foule le tarmac de l’aéroport Modibo-Keïta (ex-Bamako-Senou). Cette visite du président en exercice de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) s’est imposée parce que les autorités maliennes s’éloignent des engagements que les putschistes avaient pris au lendemain du coup d’État qui a entraîné la chute du président Ibrahim Boubacar Keïta, le 18 août 2020.

LE GHANÉEN ÉTAIT VENU PORTEUR D’UN MESSAGE FERME

Nana Akufo-Addo s’est entretenu à huis clos avec le président de la transition et, si nulle déclaration ni communiqué n’ont suivi cet échange, le Ghanéen était venu porteur d’un message ferme, à la hauteur de l’inquiétude des chefs d’État ouest-africains face aux atermoiements d’Assimi Goïta. Tandis que le 22 février 2022, date à laquelle doit se tenir l’élection présidentielle censée sanctionner la fin de la transition, approche à grands pas, le locataire du palais de Koulouba n’a en effet esquissé aucun chronogramme clair.

Le maître des horloges

Mais loin de se conformer aux demandes de ses pairs, le président de la transition semble bien décidé à rester le maître des horloges. Et n’hésite pas à le démontrer de manière spectaculaire. Le 25 octobre, à peine une semaine après la visite du président ghanéen, Hamidou Boly, le représentant permanent de la Cedeao au Mali, a été sommé de quitter le pays sous 72 heures.

Bamako reproche au diplomate burkinabè d’être impliqué dans « des activités de déstabilisation contre la transition ». Les autorités l’accusent d’être proche de partis politiques et mouvements de la société civile qui veulent mettre fin au régime en cours, et affirment même avoir des « preuves » de ces accusations.


Alors que, lundi, Abdoulaye Diop, le ministre malien des Affaires étrangères, a assuré à Jeune Afrique que Bamako avait informé la Cedeao il y a plusieurs mois de ces soupçons, celle-ci semble dans un premier temps sonnée par l’annonce. Les accusations sont lourdes, et l’organisation temporise avant de répondre formellement. Elle le fait deux jours seulement après que son émissaire a été abruptement déclaré « persona non grata ».

Dans un communiqué publié le 27 octobre, la Communauté économique dit « regretter » l’éviction du diplomate, d’autant plus qu’elle intervient « dans une période importante et délicate caractérisée par l’accompagnement de la transition politique au Mali par la Cedeao et les autres partenaires, dans un contexte sécuritaire complexe ». 

ASSIMI GOÏTA DÉGAGEAIT UNE ASSURANCE ET UNE SÉRÉNITÉ QUI LUI ONT VALU L’ESTIME ET LA COMPRÉHENSION DE SES PAIRS

Une mise en garde ferme, qui montre cependant que l’organisation sous-régionale, placée devant le fait accompli, prend acte de la décision de Bamako puisqu’elle annonce avoir déjà « engagé le processus de rappel du représentant pour assurer son remplacement dans les meilleures conditions ».

Bienveillance et flexibilité

Comment en est-on arrivé à ce niveau de tension ? Si le Mali a été suspendu des instances de la Cedeao après le coup d’État du 24 mai dernier, l’organisation ouest-africaine avait néanmoins tout fait pour épargner Bamako. Les chefs d’État avaient en effet préservé le pays des sanctions économiques un temps envisagées, qui n’auraient pas manqué de l’asphyxier davantage.

HAMIDOU BOLY, CONSIDÉRÉ COMME INTRANSIGEANT PAR LES AUTORITÉS MALIENNES, A FAIT LES FRAIS DE CE BRAS DE FER

De plus, les relations entre Assimi Goïta et ses homologues semblaient, jusque-là, plutôt bonnes. Lors de la première phase de la transition, présidée par Bah N’Daw, Goïta sollicitait régulièrement les dirigeants ouest-africains lorsqu’il était en désaccord avec l’officier à la retraite qu’il a fini par renverser. Il demandait notamment souvent conseil au président déchu Alpha Condé, s’entretenait régulièrement avec l’Ivoirien Alassane Ouattara et le Togolais Faure Essozimna Gnassingbé avec lequel, au fil du temps, il a tissé des liens solides.

À LIREMali : Ouattara, Gnassingbé, Condé… Entre Bah N’Daw et Goïta, comment les présidents se positionnent

« Assimi Goïta dégageait une assurance et une sérénité qui lui ont valu l’estime et la compréhension de ses pairs. C’est cette personnalité qui peut expliquer la flexibilité des chefs d’État après le deuxième putsch », confie un cadre malien qui a officié lors de la première phase de transition. 

De son côté, s’il a la réputation de savoir se montrer ferme quand la situation l’impose, le président ghanéen est décrit comme un homme très « courtois » et « pondéré ». Au sein de la Cedeao, qu’il préside, il est loin de faire figure de faucon et se range plutôt du côté de ceux qui plaident pour éviter d’adopter une posture trop rigide vis-à-vis des militaires qui tiennent le pouvoir à Bamako. « Il a toujours fait preuve d’une grande ouverture d’esprit et de compréhension par rapport à la situation du Mali », reconnaît notre source. 

Guerre d’influence

Mais le glissement probable du calendrier de la transition et les craintes grandissantes de voir les putschistes ne pas tenir leurs engagements ont eu raison de ce climat relativement apaisé. Hamidou Boly, considéré comme intransigeant par les autorités maliennes, a fait les frais de ce bras de fer.

À LA CEDEAO, ILS ONT ENFIN COMPRIS QUE CHOGUEL MAÏGA ÉTAIT EN TRAIN DE SE JOUER D’EUX

En visite à Bamako début septembre, Goodluck Jonathan, le médiateur de la Cedeao pour le Mali, avait d’ailleurs rappelé à l’ordre les autorités, en les exhortant à s’en tenir au calendrier initial. Mais sa demande de publication d’un chronogramme clair avant la mi-octobre est restée lettre morte. « À la Cedeao, ils ont compris que le Premier ministre Choguel Maïga était en train de se jouer d’eux, estime un ancien familier du palais présidentiel. Depuis qu’il a pris ses fonctions à la primature, il tourne en rond. Il a son propre agenda. À chaque fois qu’il est question du calendrier, Choguel détourne le problème en disant qu’il doit organiser des assises… C’est cela qui a fini par pousser la Cedeao à durcir sa position. »

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Depuis la mise en place du deuxième gouvernement de la transition, une âpre guerre d’influence se joue entre Bamako et la Cedeao. Maintenant que Boly est hors course, les autorités maliennes ont dans le viseur une autre figure des négociations en cours : l’Ivoirien Jean-Claude Kouassi Brou, président de la commission de l’organisation, nous informe une source diplomatique basée à Bamako. Les proches d’Assimi Goïta assimilent les positions de ce dernier à celles d’Alassa et estimé proche du président français Emmanuel Macron, loin d’être en odeur de sainteté dans les couloirs de Koulouba…

En réponse, la possibilité d’appliquer des sanctions individuelles aux dirigeants maliens, dans le cas où le glissement du calendrier de transition viendrait à se confirmer, est étudiée avec de plus en plus d’attention au sein de la Cedeao.

Jeuneafrique

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