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Fédération des Etats ‘’Treillis’’ : Quand la diplomatie guinéenne drague le terrorisme (Dr. Amadou CAMARA)

L’idée de la fédération en Afrique est fondamentalement liée à l’histoire politique du continent. Déjà au lendemain des indépendances des Etats africains, des leaders, conscients des enjeux d’alors percevaient inconséquent l’évolution de l’Afrique dans la fragmentation. Autrement dit, des Chefs d’Etat du Ghana, de la Guinée, du Mali, etc. ont caressé cet ambitieux projet de faire de l’Afrique ce grand ensemble qui portera le rêve africain à l’international. Néanmoins, face à la boulimie du pouvoir de quelques leaders africains, la désunion a fini par triompher sur le souhait d’union. L’Afrique est ainsi devenue cet enfant orphelin qui part au combat pour être vaincu. Cette réalité d’enfant perdant est encore d’actualité.
De nos jours, l’Afrique est perçue comme l’avenir du monde et elle est devenue le terrain d’affrontement des puissances. Face à cette compétition inter-puissance qui devait en principe mettre le continent en position de force, le plonge dans l’utopie encourageant la diplomatie du suivisme c’est-à-dire remplacer une puissance par une autre. Outre cette évidence, l’idée de fédération a depuis peu refait surface.
Contrairement au fédéralisme prôné par la première génération de dirigeants d’Afrique indépendante, la nouvelle tendance du fédéralisme réunit trois pays aux réalités circonstancielles communes. Des Etats treillis, financièrement fainéants, sécuritairement inexistants, juridiquement aveuglés et diplomatiquement amateurs qui aspirent inconsciemment se lancer dans une aventure à haut risque.

Mais que gagne d’ailleurs la Guinée de cette fédération ?

Cette question mérite en réalité d’être posée parce qu’en diplomatie, il n’y a pas de déjeuner gratuit. La République de Guinée, malgré qu’elle soit entourée des Etats fragiles et menacés s’en sort mieux sur le plan sécuritaire. Cet état de fait la met en position de force dans tout projet d’éventuelle fédération avec le Mali et le Burkina Faso qui, au-delà de la crise politique, sont confrontés à la crise sécuritaire, économique, sanitaire, etc.
Dans ce contexte, travailler sur un projet de fédération avec eux n’est pas mauvais en soi quand on sait que l’émiettement des destins des peuples est un moyen peu efficace surtout dans un monde en mutation et en compétition. La fédération est importante mais la Guinée ne doit pas l’accepter à n’importe quel prix. Autrement dit, la diplomatie guinéenne doit refuser de suivre le mouvement sans esprit critique. S’il est évident que l’essence même de la diplomatie constitue la défense des intérêts, alors les autorités du CNRD à travers le département en charge des Affaires étrangères doit s’interroger sur les profits à tirer de cette fédération. Cela permettra au pays de mesurer son degré d’engagement pour le projet.
Le Mali et le Burkina Faso sont depuis quelques années devenus des épicentres des entrepreneurs de violence. Ils font face à des attaques quasi quotidiennes qui occasionnent des pertes en vies humaines, le déplacement des populations, la destruction des structures administratives, scolaires et sanitaires. Et l’aspect le plus terrifiant du terrorisme, est qu’il frappe souvent des victimes qui ne sont pas directement liées au système politique ou à l’idéologie vers lesquels se dirigent en fait ces attaques.
La Guinée, en dépit de quelques affrontements fraternels qu’elle enregistre est reconnue pour sa stabilité. La préservation de ce mérite doit donc être la préoccupation des autorités. Or, fédérer avec le Mali et le Burkina peut être un couteau à double tranchant pour notre pays. Face à cette complexité, aucune euphorie ne doit mener les autorités guinéennes à adhérer à ce projet de fédération sans une étude minutieuse et approfondie prenant en compte la nouvelle configuration de la géopolitique sous-régionale et les acteurs impliqués. Cela évitera non seulement de compliquer la conduite de la transition mais aussi de draguer bêtement le terrorisme et exposer gratuitement le pays aux menaces terroristes. Sortir donc du jeu du hasard pour mettre en place une section de stratégie composée de spécialistes en relations internationales, en géopolitique, en géostratégie, etc. est nécessaire d’autant plus qu’elle permettra au pays de saisir les enjeux sous-jacents de ce projet et s’éloigner des ennuis futurs.
Dans la logique des relations internationales où les intérêts demeurent l’alfa et l’oméga, une éventuelle désolidarisation de la Guinée du projet ne portera en rien atteinte à la fraternité qui la lie à ces pays. D’ailleurs, ce n’est pas parce que la Guinée est dans la même situation d’Etat treillis que ces deux autres pays qu’elle doit être d’accord sur tout avec eux. Notre pays a la culture diplomatique du géant, le CNRD doit donc s’interroger sur les atouts et les inconvénients liés à ce projet parce que la diplomatie n’est pas un diner de gala. Laisser le triomphalisme émotionnel prendre le dessus sur le réalisme n’apportera que des inconvénients dont les victimes seront les populations lambdas.

Dr. Amadou CAMARA
Docteur en Hiris
Certifié Expert en Protocole et Diplomatie
Consultant international en Diplomatie-Protocole et Usages diplomatiques.

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