Après une tournée à Kigali et Libreville, le Président de la transition, le Général Mamadi Doumbouya, est revenu en Guinée avec une volonté manifeste de réformer profondément le secteur minier. Le retrait récent des permis d’exploitation de deux sociétés minières s’inscrit dans cette dynamique, symbolisant une volonté politique de renforcer la gouvernance et l’application rigoureuse du droit minier.
Qu’est-ce qu’un permis d’exploitation minière ?
Le permis d’exploitation minière est un titre minier prévu à l’article premier, 28 et suivant du Code minier guinéen. Il s’agit d’un acte administratif octroyé par décret du Président de la République, conférant à son titulaire le droit exclusif, sur un périmètre déterminé, de reconnaissance, de recherche, d’exploitation et de libre disposition des substances minérales visées.
Ce titre ne se limite pas à une simple autorisation administrative : il constitue un droit patrimonial, protégé juridiquement, qui permet à une entreprise minière de sécuriser ses investissements et ses activités à long terme.
En conséquence, le retrait d’un tel titre ne peut être prononcé que dans le strict respect des dispositions légales, sous peine de porter atteinte aux principes de sécurité juridique et de protection des droits acquis.
Analyse juridique des conséquences du retrait
Le retrait d’un permis d’exploitation minière est une mesure exceptionnelle et sanctionnatrice, généralement fondée sur des manquements graves du titulaire à ses obligations légales, réglementaires ou contractuelles. Il produit des effets juridiques majeurs, notamment :
* La perte du droit exclusif d’exploitation sur le périmètre concerné, ce qui empêche la poursuite de toute activité minière ;
* La remise en disponibilité des ressources minières sur le domaine public de l’État, pouvant conduire à leur réattribution à un autre opérateur ;
* L’éventuelle saisie ou réquisition des infrastructures (conformément aux dispositions relatives à la fin des titres miniers), dans le respect du droit de propriété et du droit à une indemnisation le cas échéant ;
* Le risque contentieux, si la société concernée conteste la légalité du retrait devant les juridictions administratives nationales, voire internationales (notamment par le biais de l’arbitrage prévu dans certains contrats ou traités bilatéraux d’investissement).
En cela, l’administration minière doit veiller à respecter scrupuleusement la procédure contradictoire prévue à l’article 174 du Code minier, laquelle impose une notification préalable, un délai de réponse et une décision motivée.
Les fondements juridiques du retrait
Plusieurs manquements peuvent justifier légalement le retrait d’un permis, notamment :
1. Le non-respect du délai de démarrage des travaux d’exploitation (article 34 du Code minier) ;
2. Le non-respect des obligations environnementales, telles que définies dans le plan de gestion environnementale et sociale (PGES) ;
3. Le non-respect des normes de santé publique et de sécurité au travail ;
4. Le non-respect des clauses contractuelles ou des dispositions législatives du Code minier.
Ces infractions peuvent être constatées par les inspections techniques ou les audits de conformité, et doivent être actées dans un cadre procédural rigoureux.
Une sélectivité administrative problématique
Toutefois, une question se pose légitimement : les deux sociétés sanctionnées sont-elles les seules à enfreindre les règles du Code minier ? La réponse, malheureusement, semble négative.
Le secteur minier guinéen souffre d’un déficit structurel de gouvernance, notamment en ce qui concerne la transparence, l’équité et l’application uniforme des règles. L’exemple le plus préoccupant réside dans le refus persistant du Comité stratégique de publier les contrats miniers, en violation manifeste des articles 18 et 217-II du Code minier, qui imposent la publication de tous les contrats dans un souci de transparence et de redevabilité.
Cette situation crée une asymétrie regrettable : l’État exige la conformité de ses partenaires, sans toujours montrer l’exemple dans l’application des lois. Une telle contradiction nuit à la crédibilité de l’administration minière et affaiblit la confiance des investisseurs.
Pour une gouvernance minière cohérente et équitable
L’initiative du Président de la transition s’inscrit dans une volonté de rupture avec les pratiques antérieures et mérite d’être saluée. Mais cette réforme ne sera crédible que si elle s’applique de manière cohérente et impartiale à tous les acteurs du secteur, y compris à l’administration elle-même.
Il est impératif de mettre en place une gouvernance minière fondée sur l’état de droit, la transparence des décisions, le respect des procédures, et la responsabilisation de toutes les parties prenantes. C’est à ce prix que la Guinée pourra tirer pleinement profit de ses ressources naturelles pour le développement durable et le bien-être de sa population.
Ousmane KEBE
Juriste Minier