Vous vous êtes souvent posé la question : pourquoi dans le procès sur les événements du 28 septembre ou dans d’autres procès, les avocats guinéens ne disent pas « Objection votre honneur » pour que le président ou le juge réponde «Objection accordée ou rejetée», comme dans les films ou séries ? Le juriste journaliste Kalil Camara à travers sa clinique juridique a désormais la réponse pour vous.
« Contrairement au système juridique anglo-saxon, il n y a pas d’Objection dans le système juridique guinéen qui est né du droit romano-germanique et particulièrement du droit français. Aux États-Unis, Objection soulevée par les avocats pendant les procédures judiciaires n’est pas un challenge comme on pourrait l’imaginer. Elle a des effets qui n’ont aucun intérêt dans le système juridique guinéen.
La principale raison du recours à l’Objection dans le système judiciaire américain est la méfiance à l’égard du jury populaire qui n’existe pas dans le droit guinéen. Les avocats américains restent très attentifs quant aux informations qui doivent parvenir au jury composé des personnes qui ne sont pas des professionnelles de droit. Ils craignent ainsi que les jurés qui apprécient les faits laissent leurs émotions prendre le pas sur leur objectivité ou qu’ils laissent de « mauvaises preuves » fausser leur décision, d’où l’utilité des Objections. Censurer ce que le jury ne doit pas entendre au cours de l’audience. Par exemple, dans le cadre d’un procès pénal, si le représentant de l’Etat tente de démontrer que le prévenu avait une propension à commettre l’infraction car il avait déjà commis d’autres infractions, c’est un motif d’objection. Le but de cette objection est d’empêcher le jury d’entendre que le prévenu a été condamné par le passé. Car ce passé qui n’a en soi aucun lien avec l’infraction en cours de jugement, peut entacher l’objectivité du jury.( Extrait de l’article du juriste Arnaud Thomas)», a expliqué Kalil Camara avant de revenir sur le système juridique guinéen.
« Dans le droit guinéen, il y a pas de jury populaire, mais un juge professionnel qui est seul juge des faits et du droit et qui décide d’après son intime conviction face aux preuves ( article 497 C. pr. pén). Il serait perturbant pour le juge guinéen qu’un avocat interrompt un accusé ou un témoin dans ses déclarations ou un autre avocat dans sa plaidoirie, même s’il arrive souvent que l’une des parties tente de recadrer l’autre partie en attirant l’attention du juge sans pourtant parler d’Objection. Étant tout puissant, et disposant de la police de l’audience dans le système juridique comme le nôtre, le juge se sent suffisamment en mesure de recadrer lui-même une partie lorsqu’il estime qu’une information n’a pas de rapport avec les faits poursuivis. C’est pourquoi il n y a pas d’objection en droit guinéen.
Vous comprenez donc que si un avocat le dit dans une juridiction guinéenne, ce sera par fantasme mais ça n’a aucun intérêt. Il en est de même pour les mécanismes « Plaider coupable» ou « non coupable » qui ont des effets importants dans le système juridique américain, mais qui n’ont aucun intérêt en droit pénal guinéen où il n’y a pas de procédure de négociation entre le ministère public et l’accusé sur la condamnation de ce dernier», a écrit le juriste sur la page Facebook de la plate-forme KC Consultation Juridique.
Olladi Ibrahima