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Le nécessaire rappel des principes fondamentaux du droit à un procès juste et équitable en Guinée (Dr Thierno Souleymane BARRY)

Création de la Cour de répression des infractions économiques et financières (CRIEF), appel pressant pour des enquêtes et poursuites portant sur les crimes de sang et pour l’ouverture du procès des évènements du 28 septembre 2009, procès en cours,…En cette période de transition en Guinée, le moment est plus qu’opportun de rappeler les principes fondamentaux du droit à un procès juste et équitable, droit reconnu à tout individu. Pour les besoins de cette tribune, nous examinerons successivement les sources du droit à un procès juste et équitable, ses principes fondamentaux et ses traductions concrètes dans le cadre guinéen.

Les sources du droit à un procès juste et équitable

Deux textes fondamentaux au plan universel jettent les bases du droit à un procès juste et équitable qui constituent la pierre angulaires des garanties judiciaires fondamentales des droits humains dans le monde. L’article 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 pose les jalons du droit à un procès juste et équitable comme suit : « Toute personne a droit, en pleine égalité, à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera, soit de ses droits et obligations, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle ». Ces principes sont détaillés de manière plus explicite par l’article 14 du Pacte International relatif aux Droits Civils et Politiques de 1966 (ci-après « le Pacte de 1966 ») ainsi qu’il suit : « 1. Tout individu a droit à la liberté et à la sécurité de sa personne. Nul ne peut faire l’objet d’une arrestation ou d’une détention arbitraire. Nul ne peut être privé de sa liberté, si ce n’est pour des motifs et conformément à la procédure prévus par la loi. 2. Tout individu arrêté sera informé, au moment de son arrestation, des raisons de cette arrestation et recevra notification, dans le plus court délai, de toute accusation portée contre lui. 3. Tout individu arrêté ou détenu du chef d’une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré. La détention de personnes qui attendent de passer en jugement ne doit pas être de règle, mais la mise en liberté peut être subordonnée à des garanties assurant la comparution de l’intéressé à l’audience, à tous les autres actes de la procédure et, le cas échéant, pour l’exécution du jugement. 4. Quiconque se trouve privé de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d’introduire un recours devant un tribunal afin que celui-ci statue sans délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale. 5. Tout individu victime d’arrestation ou de détention illégale a droit à réparation ». Sur le plan régional africain, le droit à un procès juste et équitable est reconnu par les dispositions des articles 6 (droit à la liberté et à la sécurité et protection contre les arrestations arbitraires) et 7 (droit à être entendu, respect des droits de la défense et autres garanties procédurales).

Les principes fondamentaux attachés au droit à un procès juste et équitable

Le Comité des Droits de l’Homme des Nations unies, dans son Observation générale No 32 de 2007 sur l’article 14 duPacte de 1966 et intitulée Droit à l’égalité devant les tribunaux et les cours et de justice et à un procès équitable, liste les principes fondamentaux du droit à un procès juste et équitable. Ce sont le principe d’égalité devant les tribunaux et cours de justice, le droit pour chacun à ce que sa cause soit entendue équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, le respect de la présomption d’innocence, le principe du respect des droits de l’accusé (principe de la légalité des délits et des peines, droit d’être informé dans un court délai de l’accusation dans la langue que la personne comprend ou droit à un interprète, le droit à un avocat, le droit de discuter les preuves présentées de manière contradictoire et le droit d’être jugé dans un délai raisonnable), les garanties spécifiques aux mineurs, le droit à un réexamen de sa cause par une juridiction supérieure (principe du double degré de juridiction), le principe d’indemnisation en cas d’erreur judiciaire et le respect du principe Ne bis in idem (ne pas être poursuivi ou puni pour une cause pour laquelle la personne a été déjà condamnée ou acquittée par un jugement définitif). La disposition est transversale et doit être lue avec d’autres dispositions renfermant les garanties judiciaires, entre autres. A l’aune de cette liste, il est possible de constater que ces principes sont principalement des garanties judiciaires fondamentales visant la protection de l’individu dans le cadre de la justice.

Les traductions concrètes du droit à un procès juste et équitable en Guinée

En Guinée, outre les sources conventionnelles sus évoquées auxquelles notre pays est partie, les principes d’un procès juste et équitable ont pour siège l’article 12 de la Charte de la transition de la Guinée de 2021 et le Code de procédure pénale de la Guinée de 2016, principalement sa disposition préliminaire. L article 12 de la Charte de la transition précitée dispose clairement que : « Nul ne peut être arrêté, inculpé, ni détenu que dans les cas prévus par la loi promulguée antérieurement à la commission de l’infraction qu’elle réprime. Les arrestations et détentions arbitraires sont interdites par la loi. Le droit à l’assistance d’un avocat est reconnu dès l’instant de l’interpellation ou de la détention ». L’article préliminaire du Code de procédure pénale sus citée indique que : « La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties (…) ». La même disposition rappelle les principes listés ci-dessus par l’article 14 duPacte de 1966. Concrètement, ces dispositions signifient que l’on ne doit pas enregistrer le refus d’accès à un conseil dès l’interpellation et le délai déraisonnable de procédure, entre autres. L’accent doit être mis sur le respect des principes du droit à un procès juste et équitable durant l’ensemble du processus judiciaire: pendant l’enquête de police, lors de l’instruction et du procès proprement dit et après le jugement au moment de l’exécution des peines.

En somme, l’observation stricte d’un droit processuel est fondamentale pour le respect des droits fondamentaux des citoyens en tout temps et en tout lieu. C’est le signe plus qu’évoquant de l’ancrage de notre système judiciaire dans l’avènement d un Etat de droit en Guinée.

                                                       Conakry, le 01 avril 2022

-Juris Guineensis No 26.

Dr Thierno Souleymane BARRY,

Docteur en droit, Université Laval/Université de Sherbrooke (Canada)

Professeur de droit, Consultant et Avocat à la Cour

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