L’exploitation minière, en tant que moteur économique dans de nombreux pays riches en ressources naturelles, peut également avoir des effets dévastateurs sur les populations locales. En Guinée, où l’industrie minière joue un rôle central dans l’économie, les communautés vivant à proximité des sites miniers subissent des impacts environnementaux, sociaux et économiques importants. Ces effets, tels que la dégradation de l’environnement, la perte de terres agricoles et la perturbation des modes de vie traditionnels, rendent ces populations particulièrement vulnérables.
Afin d’atténuer ces effets et de favoriser un développement local durable, l’État guinéen a mis en place diverses initiatives, parmi lesquelles le Fonds du Développement Économique Local (FODEL), un mécanisme de financement destiné à soutenir les collectivités locales affectées par l’exploitation minière. Ce fonds constitue un outil clé dans la gestion des ressources générées par l’exploitation minière et leur redistribution pour améliorer les conditions de vie des communautés directement impactées.
Contexte et Création du FODEL
Le FODEL a été créé dans le cadre des efforts de l’État guinéen pour garantir une gestion responsable des ressources minières et leur contribution au développement local. Selon l’article 130 du Code minier guinéen, toute entreprise minière opérant dans le pays doit, dès sa première production commerciale, verser une contribution annuelle au développement local. Cette Contribution au Développement Local (CDL) est fixée à 0,5 % du chiffre d’affaires pour les substances minières de catégorie 1 (bauxite et fer), et à 1 % pour les autres substances minières. Ces fonds sont ensuite affectés au FODEL, qui sert à financer des projets de développement dans les zones minières.
Le FODEL s’inscrit donc dans un cadre plus large d’efforts visant à concilier exploitation minière et développement durable. Ce dispositif permet de compenser les effets négatifs de l’exploitation minière tout en stimulant les initiatives locales pour améliorer la qualité de vie des populations affectées.
Clé de Répartition et Utilisation des Fonds
L’un des principes fondamentaux de la gestion du FODEL est la répartition équitable des ressources en fonction des besoins des communautés locales. Selon l’arrêté FODEL de 2018, les fonds sont répartis de manière à favoriser les collectivités les plus directement impactées par l’exploitation minière, mais également à tenir compte de la population générale des zones concernées.
La répartition se fait comme suit :
- 35 % aux collectivités abritant les mines en exploitation, au prorata des superficies occupées (la moitié étant allouée aux districts abritant les mines) ;
- 25 % aux collectivités hors exploitation situées dans le périmètre, au prorata de la population ;
- 20 % aux collectivités impactées selon l’étude d’impact environnemental et social, au prorata de la population ;
15 % aux autres collectivités de la ou des préfectures abritant le titre minier, au prorata de la population ; - 5 % à divers services préfectoraux et régionaux.
Cette répartition permet de garantir que les fonds bénéficient aux zones les plus vulnérables, tout en impliquant une part significative des préfectures voisines et des services régionaux pour soutenir le développement global de la région.
La Gestion du FODEL : Un Processus Collaboratif
La gestion du FODEL repose sur la mise en place d’un Comité d’appui à la gestion du FODEL (CAGF), présent dans chaque préfecture minière. Ce comité, composé de représentants de la société civile, des jeunes, des femmes, et présidé par le Comité préfectoral de développement (CPD), est chargé de veiller à ce que les projets financés par le FODEL respectent les objectifs de développement durable. Il examine les propositions de projets des communes et s’assure qu’elles répondent aux besoins des populations locales tout en promouvant la durabilité et la résilience des communautés.
Néanmoins, il est important de noter que tous les projets ne sont pas admissibles. Seuls ceux qui sont inscrits dans le Plan de développement local (PDL) et le Plan annuel d’investissement (PAI), conformément au code des collectivités locales, peuvent bénéficier du financement du FODEL. Cette exigence garantit que les projets soutenus sont en cohérence avec les objectifs de développement à long terme des régions concernées.
Supervision et Contrôle : Assurer la Transparence
La transparence dans la gestion des fonds publics est un élément essentiel de la réussite du FODEL. Afin d’assurer une gestion rigoureuse et éviter tout détournement de fonds, un comité conjoint MMG-MATD a été institué en 2019 pour superviser le fonctionnement du FODEL. Ce comité a pour mission de suivre de près les opérations du CAGF et de s’assurer que les paiements effectués par les entreprises minières au FODEL sont correctement utilisés.
L’article 5 du décret de 2017 stipule que tous les paiements effectués par les compagnies minières au FODEL doivent être rendus publics et justifiés par un moyen de paiement. De plus, les conseils communaux sont tenus d’informer régulièrement la population des projets financés par le FODEL, garantissant ainsi une communication claire et ouverte avec les citoyens.
En Résumé : Un Pas Vers le Développement, mais des Défis Restent
Malgré les efforts significatifs déployés pour établir un cadre juridique robuste et une gestion transparente du FODEL, des défis subsistent. La mise en place de ce mécanisme a certes permis d’améliorer l’accès au financement pour les collectivités locales et de réduire les effets négatifs de l’exploitation minière sur les populations vulnérables. Toutefois, des cas de malversations et de mauvaise gestion continuent de freiner l’efficacité du FODEL, mettant en lumière la nécessité d’une vigilance constante et d’une amélioration continue des mécanismes de contrôle.
Depuis l’avènement du 5 septembre 2021, date marquante dans la gestion du fonds FODEL, une opacité totale entoure son fonctionnement. En dépit de son rôle crucial dans le financement de projets de développement local et la promotion de la transparence dans le secteur minier, aucune information n’a été communiquée concernant l’évolution de ce fonds. L’absence de rapports réguliers soulève des interrogations légitimes sur la poursuite des contributions des sociétés minières, qui sont pourtant essentielles à son bon fonctionnement. Cette situation est d’autant plus préoccupante qu’aucun rapport n’a été publié sur l’utilisation du fonds, en dépit des exigences claires prévues par les textes législatifs. Ce manque de transparence et de responsabilité remet en question la gestion de ce fonds et l’engagement des parties prenantes à respecter les règles en vigueur, laissant ainsi un flou inquiétant sur la destinée de ces ressources censées bénéficier au développement des communautés affectées par l’exploitation minière.
Ainsi, bien que le FODEL représente une avancée importante dans la gestion des ressources générées par l’exploitation minière, il reste essentiel de renforcer les mesures de supervision et de transparence pour garantir que ce fonds serve véritablement au développement durable des zones minières et à la réduction des inégalités économiques et sociales dans ces régions.
Ousmane KEBE
Juriste Minier
Auditeur en Master Droit Minier à l’université Kofi Annan de Guinée