Les autorités ont intensifié la répression de l’opposition pacifique. L’interdiction totale des manifestations est restée en vigueur, et les forces de sécurité ont usé d’une force excessive pour disperser des manifestations. L’accès à Internet a été restreint, et plusieurs stations de radio et chaînes de télévision se sont vu retirer leurs autorisations d’émettre. Des militant·e·s ont été placés en détention arbitraire ou soumis à une disparition forcée. Huit hommes ont été déclarés coupables de crimes contre l’humanité à l’issue du procès relatif au massacre du 28 septembre 2009.
Contexte
Les sanctions imposées par la CEDEAO depuis le coup d’État de septembre 2021 ont été levées en février. Un projet de nouvelle Constitution a été présenté en juillet. Le régime de transition en place depuis le coup d’État de 2021 n’a pas pris fin en 2024 comme prévu dans l’accord entre les autorités guinéennes et la CEDEAO.
Le pays a connu des coupures de courant répétées en raison de l’explosion d’un dépôt de carburant en décembre 2023, ce qui a entraîné une hausse des prix des denrées alimentaires et du carburant pour les ménages et a perturbé l’activité économique.
Liberté de réunion pacifique
L’interdiction totale des manifestations prononcée en mai 2022 était toujours en vigueur, mais des manifestations de soutien au président ont été autorisées. Le 17 janvier, le ministre de l’Administration du territoire et de la Décentralisation a menacé de suspension ou d’annulation de leur agrément des partis politiques et des organisations de la société civile qui dénonçaient l’interdiction des manifestations. Malgré cette interdiction, des manifestations ont été organisées mais elles ont été réprimées avec violence ; plusieurs manifestant·e·s ont été tués ou grièvement blessés.
Le 26 février, le mouvement syndical a entamé une grève pour réclamer la baisse des prix des produits de première nécessité, la fin de la censure des médias et la libération d’un journaliste syndicaliste. Dans le district de Tamouya (préfecture de Boffa), un manifestant de 17 ans a été abattu, semble-t-il par les forces de sécurité.
Le 12 mars, une coupure de courant dans la ville de Kindia a entraîné des manifestations au cours desquelles deux garçons de 8 et 14 ans ont été tués par balle ; les forces de sécurité pourraient être à l’origine des coups de feu mortels. Le procureur du tribunal de première instance de Kindia a annoncé l’ouverture d’une enquête sur ces homicides.
Au moins 47 manifestants ont été tués entre septembre 2021 et le 15 mars 20241.
Liberté d’expression et d’association
Les autorités de transition ont continué de restreindre l’espace civique.
Le 21 mai, le ministre de l’Information et de la Communication a ordonné l’annulation des autorisations d’installation et d’émission des stations de radio FIM FM, Espace FM, Sweet FM et Djoma FM, ainsi que des chaînes de télévision Djoma TV et Espace TV, pour « non-respect du contenu des cahiers des charges ».
Les restrictions d’Internet imposées en novembre 2023 ont été levées en février.
Le 2 septembre, le ministère de l’Administration du territoire et de la Décentralisation a suspendu pour quatre mois le renouvellement de l’agrément de plusieurs ONG, le temps de vérifier que leurs activités étaient conformes à leurs statuts.
Détention arbitraire
Le 18 janvier, au moins neuf journalistes ont été arrêtés lors d’une manifestation organisée à la Maison de la presse pour demander « la libération des ondes des médias brouillés et le rétablissement de l’accès aux réseaux sociaux en Guinée ». Ils ont été relâchés le lendemain, tandis qu’un autre journaliste, Sekou Jamal Pendessa, était arrêté. Il a été condamné le 28 février à trois mois d’emprisonnement, dont deux avec sursis, par la cour d’appel de Conakry, qui l’a libéré immédiatement car il avait déjà passé un mois en détention2.
Disparitions forcées
Le 9 juillet, Omar Sylla, Mamadou Billo Bah et Mohammed Cissé, tous membres du Front national pour la défense de la Constitution, ont été arrêtés au domicile d’Omar Sylla. Selon Mohammed Cissé, qui a été libéré le lendemain, les trois hommes ont été arrêtés par les gendarmes et détenus par des membres des forces spéciales sur l’île de Kassa. Mohammed Cissé a été violemment agressé et a affirmé que tous trois avaient été torturés pendant leur interrogatoire. Dans une déclaration en date du 17 juillet, le parquet général de la cour d’appel de Conakry, la capitale, a indiqué que ces militants n’avaient pas été arrêtés par les autorités et qu’ils n’étaient détenus dans aucune prison du pays. À la fin de l’année, Mamadou Billo Bah et Omar Sylla faisaient toujours l’objet d’une disparition forcée.
Le journaliste Habib Marouane Camara a été arrêté par des gendarmes le 3 décembre, selon des témoins, et on ignorait toujours où il se trouvait à la fin de l’année. Les autorités ont déclaré ne pas avoir connaissance de son arrestation.
Conditions de détention inhumaines
Le 5 mai, trois personnes sont mortes dans des locaux disciplinaires de la gendarmerie et de la police « en raison de la canicule intense que [connaissait] le pays depuis 72 heures », selon le ministère de la Justice et des Droits de l’homme.
Le procureur militaire de Conakry a annoncé le 25 juin la mort de l’ancien chef d’état-major des armées Sadiba Koulibaly, survenue le 22 juin. Cet homme avait été arrêté le 4 juin et condamné à cinq ans d’emprisonnement pour « désertion et possession illégale d’armes4 ». Le parquet militaire a attribué sa mort à un arrêt cardiaque, mais l’avocat de Sadiba Koulibaly a déclaré que son client était en bonne santé avant son incarcération.
Le HCDH a alerté sur les conditions de détention des mineur·e·s en Guinée. Selon son rapport paru en août, les enfants, souvent emprisonnés sans procès, étaient détenus dans des prisons surpeuplées et dans des conditions déplorables.
Droit à la vérité, à la justice et à des réparations
Le 31 juillet, huit personnes ont été déclarées coupables de crimes contre l’humanité par le tribunal pénal de Dixinn dans l’affaire du massacre du 28 septembre 2009, au cours duquel plus de 150 manifestant·e·s avaient été tués et plus d’une centaine de femmes soumises à des viols et d’autres violences sexuelles par des membres des forces de défense et de sécurité.
Droits des femmes et des filles
Selon un rapport de l’UNICEF paru en 2024, en Guinée, 95 % des femmes et des filles âgées de 15 à 49 ans avaient subi des mutilations génitales féminines.
Il restait difficile pour les victimes de violences sexuelles d’accéder à des soins médicaux et psychologiques appropriés.