Le prix Nobel de la médecine James Watson est décédé à l’âge de 97 ans, a annoncé vendredi 7 novembre le Cold Spring Harbor Laboratory (CSHL), avec lequel il a travaillé. L’Américain avait révolutionné la science en découvrant la structure de l’ADN avec son collègue Francis Crick, mais son travail de pionnier de la science avait été terni pour ses propos racistes, misogynes et eugénistes, qui l’avaient contraint à démissionner de son poste au sein de ce prestigieux laboratoire à l’âge de 80 ans.
James Watson est décédé jeudi 6 novembre à 97 ans, dans un centre de soins palliatifs à Long Island, dans l’État de New York, a fait savoir vendredi le Cold Spring Harbor Laboratory (CSHL). Sa découverte trône dans toutes les salles de classe de biologie du monde et symbolise à elle seule la vie. Des centaines de petites balles de quatre couleurs différentes, qui s’entrecroisent en une double hélice : l’ADN.
Né le 6 avril 1928 à Chicago, James Watson a fait des études d’ornithologie et de biologie. De retour d’un congrès à Naples où sont présentés des travaux sur l’ADN (acide désoxyribonucléique), il s’attaque à l’étude de la structure de cette molécule. À l’époque, les scientifiques savent que l’ADN est le support du patrimoine génétique des êtres vivants et qu’il est composé de quatre types de molécules plus petites, appelés nucléotides, qui constituent les quatre lettres de l’alphabet génétique (A, C, T et G). Mais ils en ignorent totalement la forme.
En avril 1953, James Watson publie, avec le Britannique Francis Crick, un article d’une seule page dans la célèbre revue scientifique Nature. Les deux scientifiques y décrivent pour la première fois la structure en double hélice de l’ADN. Les nucléotides s’y assemblent par paires : A avec T et C avec G.
Cette structure permet de comprendre comment se copie et se transmet l’information génétique contenue dans chaque cellule : « Nous pensons que l’ADN est un code. En d’autres mots, nous pensons avoir trouvé le mécanisme de copie de base qui fait naître la vie de la vie », écrit Francis Crick à son fils. Crick – décédé en 2004 – a alors 36 ans, et Watson seulement 25 ans.
En 1962, James Watson reçoit le prix Nobel de médecine conjointement avec Francis Crick et le bio-physicien néo-zélandais Maurice Wilkins. Leur travail, qui révolutionnera aussi bien la recherche médicale que l’agronomie ou les biotechnologies, est reconnu comme une des plus grandes découvertes scientifiques de tous les temps.
Des nombreux propos outranciers
Après le Nobel, James Watson enseigne à Harvard, puis prend la tête du laboratoire de Cold Spring Harbor, près de New York. Ce lieu devient, sous son égide, un des centres de recherche les plus réputés du monde.
En 1990, il dirige le projet gouvernemental américain de séquençage du génome humain, mais démissionne deux ans plus tard, opposé à l’idée de déposer des brevets dans ce domaine. En 2007, il devient le premier être humain dont le génome est entièrement séquencé.
C’est aussi en 2007 que sa réputation est irrémédiablement ternie. James Watson était depuis longtemps coutumier de propos outranciers. Dès les années 1950, il s’était fait remarquer par des propos peu amènes sur le physique de la chercheuse Rosalind Franklin, autre pionnière de l’étude de l’ADN.
En 1997, il avait soulevé une première vague d’indignation en estimant qu’une femme devrait avoir le droit d’avorter si des tests pouvaient déterminer que son enfant à naître serait homosexuel et qu’elle ne le souhaitait pas.
Ostracisé, il vend sa médaille du Nobel aux enchères
Dix ans plus tard, en 2007, il provoque un tollé mondial en affirmant, dans un entretien au Sunday Times, que les Africains ne sont pas aussi intelligents que les Blancs. Il présente par la suite ses excuses et concède « l’absence de toute base scientifique à une telle croyance ».
Mais le laboratoire de Cold Spring Harbor, où il travaillait depuis 40 ans, le suspend de ses fonctions et il est contraint à la démission, à presque 80 ans. En 2019, l’institut lui avait retiré ses titres honorifiques après un reportage sur PBS où il maintenait ses assertions.
Se sentant mis au ban par une partie de la communauté scientifique, il avait décidé en 2014 de vendre aux enchères sa médaille du Nobel et de reverser les bénéfices aux différentes universités avec lesquelles il avait collaboré. Elle avait été acquise pour 4,7 millions de dollars par un milliardaire russe, qui la lui avait rendue en signe d’admiration.
Avec AFP et RFI


