Monsieur le Président, au moment où vous séjournez au Rwanda, chez votre mentor Son Excellence Paul Kagamé pour une visite de travail, je voudrais porter à votre attention des faits concernant la situation chaotique que notre population traverse en ce moment.
Après une longue réflexion, je me disais que le véritable cauchemar de l’exil n’est pas d’être arraché de l’amour de son pays, loin de ça, mais c’est d’y vivre et de n’y plus rien retrouver de ce qui le faisait aimer, certes, c’est perdre tout espoir d’avoir un lendemain meilleur pour son pays, perdre l’amour de sa patrie.
Monsieur le Président, je vous écris parce que je suis déçu, remonté et affaibli, c’est parce que je ne suis plus en harmonie avec ma conscience, c’est parce que votre population est en danger, ce qu’elle traverse est pire que la guerre, nous vivons dans un enfer à ciel ouvert, il y a plus de dix ans, j’ai pris la décision de me définir comme la voix des sans voix. C’est pourquoi, je suis particulièrement bien placé pour vous transmettre les préoccupations des guinéens installés sur les 245 857 km2.
Il se pourrait qu’à l’heure actuelle, vous ne savez absolument rien de ce que vos compatriotes guinéens affrontent dans ces jours comme épreuves, c’est plus qu’un cauchemar.
Qui aurait pu croire qu’en 2024, avec l’existence de la Crief, certains cadres de la transition pouvaient oser se servir de l’argent du contribuable avec une dose d’arrogance pour se construire et construire l’avenir de leurs enfants et petits-enfants au vu et au su de tout le monde ? C’est juste incroyable !
Imaginez, un haut cadre qui se dit fier d’avoir acheté une voiture de luxe à 50 000 $, 4 villas à Conakry et envoyé tous ses enfants en Europe, juste après 18 mois de gestion ? C’est hallucinant. Quelle injustice ? Quel péché ?
Pendant ce temps, dans certaines zones de notre pays, il y a des femmes qui accouchent parfois sur le sol et risquent la mort en donnant la vie, où certains pères de famille se couchent avec la faim, où beaucoup d’enfants ne retrouvent plus le chemin de l’école par manque de moyens, où les jeunes diplômés ont préféré la Méditerranée et le Nicaragua pour se sauver en acceptant d’affronter la mort.
Un proverbe africain ne dit-il pas que tout foyer construit par le péché sera détruit par le même péché, toute maison battue par le mensonge sera détruite par la vérité, toute gouvernance fondée sur l’injustice sera anéantie par la justice populaire ou divine. Et Saint Augustin a paraphrasé tout ça “ à une loi injuste, nul n’est tenu d’obéir”. Jésus Christ aussi disait « qui tue par épée, périra par épée ».
Mon Général, à l’instant où je vous écris cette lettre, votre population n’a ni électricité, ni internet, ni emploi garanti et ni médias, c’est pourquoi elle a perdue tout espoir en votre gouvernement. Ils ne vous disent pas la vérité.
Le marché est cher, les femmes qui préparaient le repas d’une semaine et le garder au frais pour qu’elles puissent se débrouiller au marché mais à dire vrai, elles n’y arrivent plus car il n’y a plus de courant, les jeunes qui se débrouillaient avec les startups en procédant aux ventes en ligne pour subvenir à leurs besoins n’y arrivent plus, parce que l’internet est coupé il y a 60 jours. Le saviez-vous mon Général ?
Mon Général, votre population a faim, vos cadres volent l’argent du peuple, tout le monde pleure, la pauvreté a atteint son paroxysme, certes, j’en fais partie de ceux qui se sont levés pour vous applaudir dans la journée du 5 septembre 2021 et je ne le regrette pas du tout mais vu que vous êtes devenu imperméable et allergique dans ces derniers temps à mes propositions et à mes conseils, ça me donne de la peine car je ne suis plus en harmonie avec ma conscience. Ce n’est pas parce que je vous ai soutenu, pas parce que je vous aime que je vais fermer les yeux sur le mauvais comportement de certains cadres de votre administration car mon père me disait que quand on aime quelqu’un, on doit avoir la lucidité et le courage de lui dire la vérité.
Mon Général, pensez-vous vraiment que votre boussole fonctionne bien ? Je ne crois pas. Et le saviez-vous que votre ami, celui qui mis à votre service sa radio (la plus écoutée) pour légitimer votre coup de force, je veux parler de votre grand Ami Lamine Guirassy fait aujourd’hui partie de ceux qui ne partagent plus avec vous la même vision des choses ? Sa radio est censurée !
Mon Général, tous les médias sont sur votre dos aujourd’hui, vous ne craignez rien ? Ceci dit “ qui contrôle l’information contrôle le pouvoir”. J’ai l’impression que votre entourage vous trompe mon Général.
Pour finir, un général disait ceci à un ancien président guinéen ceci « le pouvoir a beaucoup d’amis mais l’échec est orphelin ».
Dr. Karamo Kaba
Ecrivain Auteur Consultant S/M
Spécialiste en Gestion des Hôpitaux et Service de santé