À la suite de « La Guinée, un pays aux dirigeants « extrêmophiles » ! – un papier si édifiant sur le genre politique guinéen – écrit par mon doyen, Aboubacar Fofana, Boubist Fof, j’ai décidé de publier ce papier couché dans mon tiroir.
J’avais pensé écrire comme titre la règle des six piliers insoutenables, ou tout simplement les six mauvais « P ». Ce sera donc à votre choix.
Jean Amadou écrivait ceci : « La devise des mousquetaires était : « Un pour tous, tous pour un… ». Celle des politiques est : « Un pour tous et tous pour moi… », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. » Il m’est difficile de ne pas lui donner raison dans notre contexte politique. Quand le déphasage, le mensonge, l’insouciance, le pessimisme sont devenus notre quotidien – là où justement l’appel à la république et aux actions responsables devraient se substituer à la bêtise – se presse le besoin d’analyser cliniquement notre société politique afin de comprendre pourquoi le débat public qui en résulte est assez frustrant.
La Guinée nous appartient tous dit-on. J’ai toujours envie d’y croire. Il me semble de cet fait qu’aucun homme politique, aucun leader d’opinion tout court ne devrait s’imaginer avoir une quelconque légitimité en dehors des préoccupations des populations guinéennes et des besoins de construction d’un État sérieux. J’imagine que l’action politique devrait s’inscrire dans une approche plus globale et plus responsable, surtout dans un contexte où le dénouement sur le blocage politique semble – à defaut d’être hypothétique – assez compliqué.
En regardant de près les agissements des leaders des partis politiques, le jeu des alliances et des coalitions politiques. En interrogeant les schémas politiques par un détachement émotionnel, donc par une approche objective, le constat qui résulte devrait davantage nous interpeller. Notre vie politique est comme un bateau en détresse sur une mère agitée, le naufrage n’est pas impossible et les rives sont encore ou presque lointaines. Cela a le mérite de donner suffisamment à réfléchir. Nous y sommes vraiment. L’inquiétude n’est pas là le problème. Il s’agit de réfléchir pour sortir de là sains et saufs. C’est une image certes, mais elle est bien réelle, à tout le moins pour ceux qui prennent la mesure des choses.
Nous avons en effet six (6) types d’hommes et femmes politiques en Guinée. Et l’un de nos plus grands problèmes, c’est bien que ceux d’entre eux qui sont « considérés » comme des modèles ne parlent que rarement de politique. Tout ce qui leur intéresse ce sont fondamentalement les questions électorales, à quelques exceptions près. Nous avons :
1. Les déconnectés : c’est quand des personnes ne rentrent en politique que lorsqu’ils ont déjà des intérêts individuels à défendre, soit pour garder une position, soit pour espérer s’extirper de la redevabilité sur leur gestion des affaires publiques.
2. Les disciples non déclarés : ce sont ceux dont le positionnement ne tient qu’au copinage avec une formation politique qu’ils considèrent plus représentative. Leur seule motivation est l’accession au pouvoir par tous les moyens, quitte à vendre leurs principes pourtant qu’on respectait.
3. Les spectateurs sont ceux qui ne parlent qu’après les faits accomplis. Ils ne prennent aucune initiative, aucun risque politique . Ce qui leur motive en plus du pouvoir, c’est le spectacle, le m’as-tu-vu. Les politiciens-basin-cravate appelle-t-on.
4. Les incompris : ce sont ceux qui ont certainement les meilleures volontés du monde mais manquent cruellement d’approche constructive, et ils ne souhaitent pas se remettre en question. Ils réussiraient plus en fédérant leurs efforts au sien d’une coalition qui tranche définitivement avec la vieille garde politique.
5. Les cubes-Maggi. Ils ont l’apparence de sages et d’hommes de Dieu. Mais au fond ce n’est que sectarisme. Ce sont des loups à la peau d’ange, versatiles au gré du vent et de l’argent surtout. Ce sont eux qui tiennent le discours « somnifère », doux et succulent quand ça leur profite. Et les mêmes qui rappellent l’existence de Dieu quand il y’a trop de sel dans leur sauce. Ne vous y trompez pas, ce sont eux les bras armés des politiques. Car avec la foi des gens, on peut leur faire admettre tout et n’importe quoi. « La religion est l’opium du peuple » disait Karl Marx.
6. Les extrémistes : ce sont dont l’esprit sectaire et rétrograde n’est plus à démontrer. C’est l’extrême de l’extrémisme politique et idéologique qui guète dangereusement les plus grandes formations politiques. Ce sont ceux qui n’ont de projet qu’ethnique et communautaire, peu importe le nom du parti, du candidat ou du programme de société. Ils n’ont rien à foutre de la politique. Leur seule motivation reste partisane.
Aussi, ce qui est encore plus inquiétant, c’est la situation des militants et sympathisants des partis politiques, ou tout simplement des soutiens des présidents de partis politiques : l’accomplissement personnel de leurs « idoles » tient à cœur même au détriment du devenir commun qu’il importe de construire ensemble.
Mais il y’a une lueur d’espoir. C’est l’investissement massif des jeunes guinéens dans l’action politique. Il faut prendre d’assaut le débat public. Oser changer les choses en acceptant de mettre la main dans la boue. Apporter enfin chacun en ce qui lui concerne, sa pierre à l’édification de la Guinée que nous ambitionnons: unie, prospère. Une Guinée glorieuse ! Cela n’est possible que par la conscience historique et la volonté de rupture avec des pratiques qui ont longtemps mis ce pays à genoux.
Ali CAMARA