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« Aéroport international Ahmed Sekou Toure, j’adhère à la décision ?» (Ali Camara)

Ceux qui ont des lunettes « rétrécies à dessein » pour faire semblant de scruter l’histoire s’agitent déjà. Des jeunes pour la plupart, victimes de la rente mémorielle qui fait fi généralement de la vérité historique. Mais peut-on en dépit de toutes ces agitations prendre le temps de s’écouter ? Il est difficile de ne pas reconnaître que Sékou Touré est un héros pour la Guinée. C’est cela avant tout. Ensuite, il y’a l’homme qui a failli et le régime auquel chacun peut avoir ses raisons de s’en détacher. Mais il serait plus juste de revoir tout cela dans leurs contextes, et peut-être bien que nous trouverons le moyen de s’entendre. Après tout, il me semble que c’est  » l’homme de 1958  » que nous célébrons. L’homme du « Non » au Général De Gaulle; celui-ci qui s’est démarqué en sortant du lot. Nous avons tous nos points de discorde pour accepter d’être d’accord sur ce point précis. Célébrer, immortaliser cet homme n’est pas une œuvre qui s’entêterait uniquement à consacrer l’homme dans sa chair et son esprit. C’est surtout rappeler le chemin que fut le nôtre et donner corps à la reconnaissance d’un peuple qui attend non pas de vivre dans le passé, mais d’en faire son point d’encrage.

On peut bien aimer Sékou Touré et lui faire un procès. Celui qui aime bien châtie bien dit-on; comme on peut bien l’exécrer sans jamais lui ôter sa part de place dans le panthéon de nos souvenirs heureux ou malheureux. L’un n’exclut pas l’autre. N’en faisons donc pas un problème personnel, tandis qu’il s’agit de la vie d’une nation, pour le meilleur et pour le pire. Sékou Touré n’est pas irréprochable, c’est en tout la constatation la plus plausible, quand on sait réellement tout ce qui a pu se passer dans ce pays, mais pour autant faut-il le renier ? Faut-il lui jeter dans les oubliettes de l’histoire ? N’y a-t-il pas au-delà de tout une part de lui qu’il faudrait bien célébrer ? Nous sommes de ceux-là même qui enseignent Bonaparte à leurs enfants et qui célèbrent comme une montgolfière la beauté de la littérature française; mais cela fait-il abstraction de l’esclavage ou de la colonisation et de leurs conséquences ? Est-ce par ce fait condamner par nous-mêmes nos anciens ? C’est dire qu’il n’existe pas d’école pour penser sa société. Il n y a que l’exercice qui anoblît. Être de celui qui pense sa société, c’est apprendre à devenir cet éclaireur qui avertit, court avant tous les autres, « sait » avant tous les autres, espère ou désespère avant tous les autres. Être de cette distinction parmi les hommes commence nécessairement par la rébellion interne. C’est-à-dire décider de déconstruire toutes les vérités préétablies, de douter pour en savoir davantage, pour enfin arriver à ses propres conclusions. C’est faire ainsi le choix du questionnement constant au détriment des convictions établies; de celui de plus de clairvoyance afin de  » savoir distinguer »,  » de savoir démêler  » – j’insiste – le vrai du faux, le bien du mal, en somme toute, de démêler tout ce qui n’est pas à confondre.

Le chantier de la Réconciliation n’est pas tendre. Il demande beaucoup de sacrifices par le simple fait d’avoir à conjuguer dorénavant avec ce dont on est en désaccord, de composer avec l’autre avec lequel l’inimitié avait déjà pris le dessus. Il ne peut t’exclure la justice. Voilà qui est dit ! Alors vient la nécessité pour nous tous de s’émanciper de nos idées toutes faites, des préjugés, des supputations des autres; de s’élever plus que les querelles partisanes, les empoignades et les rancoeurs que traînent le passé des relations qui nous sont  » quelque peu étrangères  » pour établir nos propres opinions, avec nos propres constats. Je me répète à juste titre, parce que si l’on devrait considérer tous nos ressentiments dans ce pays, je suis certain qu’on aurait demandé chacun la tête de l’autre. Ne serait-ce pas alors plus utile de savoir raison gardée et modérer la parole quand notre connaissance de l’histoire n’est que par discernement ? Je m’adresse là à ma génération qui n’a pas vécu les faits. Pour revenir aux témoins, il est clair que des témoins peuvent mentir pour plusieurs raisons.  » Le mensonge des témoins » ne serait pas d’ailleurs une exception guinéenne. On pourrait en faire toute une liste. Je ne dis pas qu’ils ont tous menti. Je ne puis avoir cette prétention. Par contre, la preuve même de cette possibilité de glissement de la vérité existe davantage aujourd’hui. Tout se passe devant nos yeux. Certains ont déjà commencé à falsifier la version des faits qui se sont déroulés il y’a à peine quelques années ou quelques mois pour d’autres. Devant nos yeux ! C’est hallucinant ! C’est pourquoi je m’arrête un instant pour inviter les jeunes écrivains ( surtout historiens ) à se pencher sur ce phénomène.

À tous donc, il n y a ni « provocation » ni volonté d’absoudre l’histoire par la célébration ou une quelconque reconnaissance. Au contraire il s’agit de se retrousser les manches, permettre le débat, sinon après tout le palais présidentiel porte bien son nom. Enfin, merci au Président de la Transition, le Colonel Mamady DOUMBOUYA pour l’aéroport !
La symbolique, c’est pour ceux qui pensent en dépassant leurs conditions particulières pour entrevoir les deux côtés du mur et s’interroger sur deux choses : pourquoi ? Et pourquoi pas ?

Ali CAMARA

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